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« La France fait face à un déficit d’ingénieurs malgré un besoin croissant lié aux défis de la transition énergétique. Une refonte de l’attractivité des formations et une meilleure collaboration entre le secteur public et privé sont essentielles » une tribune de David Lisnard et Constance Nebbula pour le JDD.

 

La France compte 45 000 nouveaux ingénieurs diplômés par an. Or, il en faudrait 20 000 de plus pour répondre aux besoins des entreprises et du monde de la recherche.

Malgré une tradition académique reconnue, notre pays se heurte à cette réalité préoccupante, juxtaposée à un besoin croissant d’expertises techniques pour répondre aux défis de la réindustrialisation, de la transition énergétique et de l’innovation technologique qui seront ceux du siècle. Cette dissonance peut en partie s’expliquer par trois phénomènes : une désaffection marquée pour les filières scientifiques, une baisse du niveau scolaire en mathématiques et en sciences, une représentation féminine insuffisamment encouragée.

La désaffection pour les spécialités scientifiques au lycée est frappante

La désaffection pour les spécialités scientifiques au lycée, depuis la réforme du bac adoptée en 2019, est frappante. L’exemple de la nouvelle filière NSI (numérique et sciences informatiques), qui suscitait une réelle attente, est criant. Elle est l’une des plus abandonnée entre la Première et la Terminale. Peu valorisée par l’Éducation nationale, proposée dans peu de lycées, elle ne révèle pas à la hauteur du fait d’un programme peu ambitieux ou même de matériel peu performant. Comme souvent, les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux.

La réforme Fouchet de 1965 avait permis aux volumes horaires de sciences et de mathématiques d’augmenter sensiblement au lycée, jusqu’à la rupture survenue en 2020. À cette date, les effectifs des bacheliers scientifiques chutent, jusqu’à revenir en 2022 au niveau de 1988, et la part des bacs scientifiques dans le bac général de tomber à 27 %, son plus bas niveau historique.

Il est ici indispensable d’évoquer le déclassement éducatif en mathématiques et en sciences dès le primaire, que confirment toutes les enquêtes internationales comme PISA ou TIMS, ainsi que les évaluations internes à l’Éducation nationale au collège. Les écoles d’ingénieurs, établissements exigeants s’il en est, constatent ainsi, d’années en années, la baisse du niveau, notamment de savoirs fondamentaux, ce qui fait nécessairement reculer le nombre d’étudiants acceptés.

Pour y remédier, certaines revoient à la baisse leur exigence au niveau des admissions, ou diversifient les cursus pour offrir des parcours moins ardus que les classes préparatoires aux grandes écoles. Ce type de décisions « en mode survie » pourraient s’entendre si les moyens étaient mis pour proposer un encadrement renforcé qui permette de combler les lacunes et de s’assurer un niveau de sortie constant.

Or, les difficultés financières des écoles vont à l’encontre de ce que la situation exige, ce qui impacte la qualité des futurs ingénieurs qui seront sur le marché du travail. Enfin, comment réussir à combler le manque structurel d’ingénieurs si l’on se passe de la moitié des talents potentiels ? Après une nette augmentation dans les années 90 et 2000, la part des femmes dans les écoles françaises d’ingénieurs stagne aux alentours de 28 % quand elle est de 36 % en Terminale « Mathématiques et Physique Chimie ».

 

La dynamisation de ces filières doit s’appuyer sur l’ingéniosité du secteur privé

À l’aune de ces constats, une interrogation majeure se pose alors : comment notre système éducatif et notre politique de soutien au monde scientifique peuvent-ils évoluer pour inverser cette tendance et relever les enjeux stratégiques liés à la réindustrialisation, à la modernisation de notre agriculture et à notre ambition en matière de recherche et d’innovation pour être compétitif sur le plan international ?

Si du côté de Bercy ou du Ministère de la transition écologique, on nous sert quelques effets d’annonces, comme le Plan « Industrie verte » qui entend former 1 million de diplômés pour 2030, cela sonne assez creux du côté du soutien aux écoles, qui dépendent du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

La dynamisation de ces filières exige une approche novatrice, qui doit s’appuyer sur la flexibilité et l’ingéniosité du secteur privé, tout en reconnaissant aux pouvoirs publics un rôle d’encadrement et de facilitation. Plutôt que d’imposer des directives, l’État doit encourager les synergies entre les universités, les entreprises, et les écoles d’ingénieurs, favorisant ainsi les investissements privés dans la recherche et le développement, les bourses d’études, et les programmes de mentorat.

Repenser l’attractivité des formations d’ingénieurs est primordial, en renforçant les partenariats avec le secteur privé pour offrir des parcours d’apprentissage en alternance, des stages rémunérés, et des perspectives de carrière concrètes dès le début des études. L’innovation pédagogique, soutenue par des investissements ciblés et des initiatives entrepreneuriales, élargirait l’éventail des opportunités pour les futurs ingénieurs. Cela permettrait non seulement d’assurer une source de financement durable pour les cursus au-delà du bac +2, mais aussi de mieux aligner les programmes d’enseignement avec les besoins réels du marché et les enjeux contemporains.

La France doit se donner les moyens non seulement de combler le déficit actuel d’ingénieurs mais aussi de se positionner à l’avant-garde de l’innovation technologique. La relance de notre industrie, fortement tributaire d’une main-d’œuvre qualifiée et innovante, repose sur notre capacité à anticiper et à intégrer les mutations technologiques et environnementales. La transition vers une économie décarbonée, l’exploitation des technologies de l’information et de la communication, ainsi que le développement de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique et de la robotique, constituent des domaines où l’expertise française pourrait briller.

Par ailleurs, la recherche fondamentale et appliquée, pilier de l’avancement scientifique et technique, doit être perçue non seulement comme un investissement dans l’avenir mais aussi comme un élément central de notre souveraineté.




Retrouvez la tribune sur le site du JDD en cliquant ici.

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