
Retrouvez la tribune de David Lisnard consacrée à l’Intelligence Artificielle pour Nice-Matin.

David Lisnard a inauguré la 3ème édition du World Artificial Intelligence Cannes Festival, le rendez-vous international dédié à l’I.A, devenu, en peu de temps, une référence mondiale. Du 8 au 10 février, plus de 16 000 participants (professionnels et grand public) sont attendus à Cannes pour présenter ou découvrir les dernières innovations en la matière.

« L’enjeu est planétaire, ontologique, car il renvoie à la nature même de l’Homme, à son essence, et économique. Le marché de l’Intelligence Artificielle a dépassé, dans le monde, les 200 milliards de dollars en 2023 et atteindra les 1000 milliards d’ici 2030. La France doit se placer non pas qu’en régulateur, mais aussi comme un producteur, car on ne maîtrise que ce que l’on sait produire.

« Notre pays et notre continent ne doivent plus être des colonies numériques des États-Unis et de l’Asie, et doivent veiller à préserver les libertés individuelles et la place de l’Homme dans la société. Ceux qui me lisent et m’écoutent depuis plus de 15 ans savent qu’il n’y a pas un discours dans lequel je n’évoque pas ce défi majeur. A Cannes, nous ne sommes pas passifs et tentons de stimuler, catalyser et fédérer les opportunités. Pour gagner en efficacité tout en défendant nos libertés. » David Lisnard.

Une tribune de David Lisnard et David Angevin pour Marianne, parue le 21 novembre 2023.
Une société Française spécialisée dans la veille médiatique vient d’annoncer un plan social de grande ampleur : 217 de ses 383 salariés vont être remplacés par l’intelligence artificielle. L’IA sera chargée de lire la presse et de réaliser des résumés pour les clients de l’entreprise. Face à cette « catastrophe humaine », David Lisnard, maire de Cannes et président de la Nouvelle Énergie, et David Angevin, écrivain et journaliste, appellent à une politique de l’audace numérique face à l’hégémonie américaine et asiatique.
« Une catastrophe humaine », commente à juste titre un syndicaliste. L’essor spectaculaire des IA génératives américaines comme Google BARD ou ChatGPT s’accompagne d’une légitime anxiété dans le monde du travail. Face à la plus puissante invention de l’histoire de l’humanité, le FOBO (« Fear of being obsolete »), la peur de devenir obsolète, mine les esprits.
Une technologie « exponentielle »
De nombreux Français découvrent avec consternation ce que tous les spécialistes savent depuis plus de dix ans : l’IA est une technologie « exponentielle » (son évolution n’est pas linéaire mais ultrarapide) qui va bouleverser le monde du travail, et la société dans son ensemble, de A à Z. Or rien n’a été anticipé sur le plan politique pour accompagner cette révolution schumpeterienne. Le pouvoir a eu une décennie pour préparer le pays à l’inévitable lame de fond des nouvelles technologies. Il a préféré le déni du réel : zéro anticipation du futur, zéro réflexion sur les métiers de demain, zéro réforme de l’éducation à l’ère de l’IA (pour former des citoyens non soumis aux machines et en bonne interaction complémentaire avec elles), zéro investissement massif dans les secteurs de croissance du futur. Et nous n’avons encore rien vu : les révolutions technologiques en cours et celles à venir seront une succession de tsunamis. Les remous actuels ne sont que clapotis à la surface d’un lac. Et le monde ne renoncera jamais à une technologie qui fonctionne, comme il n’a pas renoncé à l’automobile pour protéger le maréchal-ferrant.
« Une révolution technologique d’une ampleur et d’une rapidité sans précédent dans l’histoire »
« Qui aurait pu prévoir ? », nous dira encore le Président Macron, quand la convergence IA et robotique révolutionnera des pans entiers de l’économie française. Dès le début du premier mandat Macron, Hervé Morin et l’ensemble des douze Présidents de région alertaient le Président sur le décrochage de la France dans une tribune transpartisane : « Le monde est aujourd’hui confronté à une révolution technologique d’une ampleur et d’une rapidité sans précédent dans l’histoire, prévenaient-ils. Des secteurs économiques que certains pensaient pérennes pour l’éternité se sont effondrés, à l’image du géant Kodak qui n’a pas su anticiper la photographie numérique. Si l’Europe a raté la grande disruption de l’Internet, dont nous sommes aujourd’hui les clients plus que les acteurs, elle ne peut pas se permettre de manquer les prochaines révolutions, comme l’intelligence artificielle ou la médecine personnalisée. Les plus grands bouleversements ne sont pas derrière nous, mais devant nous ». À cette tribune salutaire publiée dans le Monde, appelant à un urgent sursaut de la France et de l’Europe, le nouveau président de la République, pourtant autoproclamé « disruptif », ne répondit pas. Il se contenta de satisfaire ses alliés technophobes en fermant la centrale nucléaire de Fessenheim.
Cette politique politicienne d’un autre âge, qui se préoccupe moins des prochaines générations que du prochain sondage d’opinion, a des conséquences dramatiques : le futur s’invente ailleurs, et la France et l’Europe sont aujourd’hui des colonies numériques de la zone Asie-Pacifique et des États-Unis. Aucun géant de la tech n’est européen. De plus en plus obèse et passif sur ses missions essentielles, l’État préfère réguler de manière soviétique ce qui peut encore l’être, légiférer sur les punaises de lit ou accorder des « aides » aux réparations de chaussures.
La France est en panne d’un grand projet politique ambitieux
L’esprit de conquête doit à nouveau guider l’action politique. Il y a plus de cent ans, l’aéronautique, l’électricité, la chimie, l’automobile, le téléphone ou encore le cinéma sont nés en Europe. Aujourd’hui, nous sommes des suiveurs. Qui ne suivent plus. La France est en panne d’un grand projet politique ambitieux et courageux pour affronter la Révolution industrielle la plus puissante de l’Histoire. Le déclin actuel n’est pas une fatalité, mais la conséquence de la soumission a l’irrationalité de l’idéologie effondriste, axée sur la peur et le repli sur soi, qui fait tant de mal à notre pays et notre continent. Nous avons tous les talents pour que l’Europe redevienne une grande puissance technologique. Transformer les défis de l’IA et de la robotisation en opportunités de développement économique constitue un enjeu majeur du prochain quinquennat. Il en va de la prospérité du pays, de notre souveraineté, donc de notre liberté et de notre sécurité, comme du financement de notre modèle social menacé par une croissance exsangue et plus de 3000 milliards d’euros de dette publique. Le « n’importe quoi qu’il en coûte » aura financé à peu près tout, sauf les solutions scientifiques à la lutte contre le réchauffement climatique ou le stockage de l’énergie.
IA forte, robotique (fin du travail pénible), fusion nucléaire (énergie propre et gratuite), ordinateur quantique, biotechnologies (lutte efficace contre le cancer), nanotechs (désalinisation de l’eau)… Jamais l’humanité n’a été confrontée à des défis aussi enthousiasmants et en voie de disposer d’outils aussi puissants. Orienter notre destin à long terme devient la tâche politique la plus cruciale. Face à cette nouvelle Renaissance, qui ouvre des perspectives économiques importantes à ceux qui en prendront le leadership, qui devraient nous pousser à investir dans l’avenir, la France et l’Europe sont en retrait. Dans un contexte anxiogène de croissance faible, d’ensauvagement de la société, de démagogie politique de droite comme de gauche, la peur du lendemain a remplacé l’esprit de conquête. Nous avons pourtant toutes les raisons d’être optimistes, à condition de sortir du statu quo et du « en même temps » mortifère.
Faire de la politique ne peut plus seulement consister à gérer le présent
Face au nouveau monde qui se dessine, la réforme politique la plus urgente est celle de l’instruction et de la formation. Nous continuons à former à des métiers automatisables qui vont disparaître. Il convient de favoriser les fondamentaux et les “softs skills” (culture générale, sens critique, créativité, vision systémique du monde…) pour former des citoyens autonomes et complémentaires des algorithmes. Savoir “décoder le monde” sera demain plus utile que de connaître le code informatique, tache répétitive que le ChatGPT du futur fera en un centième de seconde.
Deuxième urgence absolue : mener des investissements massifs dans les secteurs de croissance du futur, à la hauteur de ceux de la zone Asie-Pacifique et des Etats-Unis, pour que le futur s’invente chez nous. Il est impératif de créer une DARPA à l’échelle européenne. Cette structure de recherche publique américaine est à l’origine de nombreuses inventions (dont internet ou le GPS), qui expliquent l’hégémonie américaine.

« Les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés (environnement, santé, éducation, spatial, numérique, Intelligence Artificielle) n’attendent pas. Comme je le répète depuis plusieurs années, ce sont souvent les excès de normes, de procédures à rallonge et d’injonctions contradictoires qui font perdre un temps précieux – je rappelle qu’il nous aura fallu 10 ans pour être enfin autorisés à réutiliser les eaux usées traitées pour le nettoyage des rues et l’arrosage des terrains de sport, alors que nous étions pionniers en France, voire même en Europe.
De nos jours, il faut en moyenne 5 à 12 ans pour qu’une solution aux défis évoqués puisse émerger et être commercialisée. Nous avons officialisé, lundi soir en séance du Conseil Municipal, un partenariat avec la Joint European Disruptive Initiative (JEDI) qui permettra de faire éclore ces solutions en 12 à 18 mois.
« JEDI » est une association qui fédère 4 600 leaders technologiques et scientifiques internationaux. Elle a lancé des GrandChallenges pour repousser les frontières de la science et de l’innovation avec une méthode inspirée de la DARPA américaine (recherche ciblée, vitesse maximale, interdisciplinarité).
Ces concours, qui abordent des thématiques sur lesquelles l’initiative privée ne se positionne pas, faute de rentabilité à court ou moyen terme, seront organisés à Cannes. Basés sur des principes de simplicité et d’efficacité, ils associeront centres de recherches, startups et entreprises à l’échelle européenne. Un chef de projet extrêmement qualifié coordonnera les équipes participantes et réalisera des points d’étape mensuels. Ce dernier pourra, à tout moment, pour le bien du projet et en fonction de l’avancée des travaux, décider de faire fusionner deux équipes.
Les solutions recherchées devront avoir en commun d’être technologiquement disruptives et d’être pourvues d’un fort impact sociétal.
Il s’agit d’un projet hautement stimulant, tant il peut aboutir à des solutions véritablement révolutionnaires. Organiser ces concours à Cannes fait sens : notre cité a toujours été une terre d’innovation, de créativité, de déploiement de nouvelles technologies, et nous avons toujours œuvré en ce sens, conscients que cela fait partie de l’ADN de notre ville. C’est par la science et l’innovation que nous relèverons les défis de notre époque, et en déployant tous les moyens nécessaires pour inciter l’émergence et le développement d’actions concrètes dans tous ces domaines qui bouleversent déjà le destin de l’humanité. » David Lisnard.
ENTRETIEN. David Lisnard, le maire de la ville, réagit aux controverses qui ont enflammé la Croisette à l’occasion de cette 76e édition.

David Lisnard, maire de Cannes, cinéphile et passionné de rock, dans son bureau, mardi 23 mai 2023. © Philippe Quaisse / Pasco
Un livre consacré au Hellfest, festival de musique rock et métal, est posé sur la longue table de travail trônant au centre de son bureau. Parmi les autres ouvrages rangés sur de petites étagères se pressent les entretiens entre Obama et Springsteen, La Conquête du savoir d’Isaac Asimov, les Pensées de Marc Aurèle, La Grande Illusion de Michel Barnier, Les Soixante-Quinze Feuillets de Marcel Proust, Reste à ta place de Sébastien Le Fol, ou encore Les Unes de Charlie-Hebdo 1969-1981.
À côté de nombreuses affiches encadrées d’anciennes éditions du Festival de Cannes, on remarque aussi d’autres trophées sous verre accrochés au mur non loin d’un sac de frappe : une photo avec Obama, une autre avec Spielberg, un portrait de feu Lemmy Kilmister, le chanteur du groupe de metal Motörhead, l’une des idoles de l’édile avec Iggy Pop.
Maire LR de Cannes depuis 2014, David Lisnard, 54 ans, est un animal politique hétéroclite et rock’n’roll. En pleine 76e édition du festival, il réagit, pour Le Point, sur les diverses broncas qui, selon certains, ont plongé cette année la manifestation dans la « tourmente ». Et sur certains de ces dossiers, ce féru de boxe pratique davantage l’uppercut que l’esquive.
David Lisnard : Les éléments de bilan à mi-course me paraissent très positifs. La présence du monde du cinéma sur la première semaine a été d’une rare densité internationale, probablement jamais atteinte. Je ne parle pas que des stars américaines comme Michael Douglas, Johnny Depp, Leonardo DiCaprio, De Niro et les autres, mais aussi des producteurs, agents, PDG de plateformes ainsi que des producteurs indépendants.
Hollywood est là, l’Asie est là, et sur cette première semaine ont afflué des professionnels qui font le cinéma d’aujourd’hui et feront celui de demain. En termes de sécurité et de logistique, je n’aime pas faire des bilans en cours de match, mais, pour l’instant, tout se passe bien.
Beaucoup de journalistes notent, cette année, une population beaucoup plus importante lors des projections. Où en sont les projets de rénovation et d’agrandissement du Palais des festivals ?
Le Palais n’a pas atteint ses limites, il s’agit du plus grand établissement recevant du public de la région, avec 88 000 mètres carrés de plancher. Et d’un leader européen sur le tourisme d’affaires. Le Festival est tout simplement victime de son succès. Tant mieux. Tout le monde s’inquiétait après la pandémie, à la fois du retour des festivaliers et du retour des cinéphiles dans les salles de cinéma.
L’affluence constatée en ville témoigne d’un festival dynamique – un bornage réalisé avec Orange montre que 70 000 personnes en moyenne se trouvent dans le périmètre du Palais –, d’une présence renforcée du marché et d’un intérêt certain du grand public.
Les données transmises par le Festival indiquent 40 000 festivaliers accrédités, le Palais et la ville ont tout à fait la capacité d’absorber cela. Chaque matin, les réunions sécurité permettent d’adapter les dispositifs. Quant aux travaux envisagés, ils portent principalement sur la rénovation de la rue intérieure et du salon des Ambassadeurs, prévue pour 2025 et 2026.
La mairie compte-t-elle réguler l’explosion des tarifs dans la restauration pendant le festival ?
Les prix sont fixés librement par les restaurants et la mairie n’a pas de pouvoir de régulation en la matière. Cependant, j’ai récemment alerté le président du syndicat des restaurateurs par courrier, à la suite du Mipim [le marché international des professionnels de l’immobilier] car nous avons constaté que certains établissements pratiquaient des prix anormaux.
C’est hélas le cas dans les autres villes lors de grands événements comme à Paris, Venise ou Londres. Nous devons d’ailleurs nous rencontrer prochainement pour évoquer le sujet et trouver des solutions pour limiter ce phénomène, qui est le fait d’une minorité. La force de Cannes, c’est sa fiabilité et c’est ce que nous voulons offrir à nos visiteurs.
La CGT a organisé des manifestations sur le boulevard Carnot et vers la gare, les 21 et 23 mai, en protestation contre la réforme des retraites…
La CGT avait annoncé avec tambours et trompettes qu’elle perturberait le Festival. Bilan des courses : elle a loupé son coup, elle n’a en rien perturbé la manifestation. En revanche, elle a perturbé le monde du travail qu’elle prétend défendre puisqu’elle a coupé le gaz de certains restaurants et provoqué quelques gênes de circulation. Je suis pour la liberté d’expression totale, mais je suis contre le droit d’entrave. Le droit de grève, ce n’est pas un droit de sabotage.
Donc non seulement la CGT est restée invisible aux yeux des médias nationaux et internationaux, mais elle a réussi à se rendre encore un peu plus impopulaire auprès du monde du travail local, qui a besoin que l’événementiel, son outil de travail essentiel tout au long de l’année, soit respecté. Dernier point, elle a réussi à mettre en péril la vie d’une personne âgée en lançant non loin d’elle une bombe agricole. La personne a fait un arrêt cardiaque mais a pu être réanimée : on attend toujours les excuses de la CGT.
Que va-t-il arriver au policier municipal qui a eu une altercation avec le délégué général du festival Thierry Frémaux, à qui il reprochait de rouler trop vite à vélo sur le trottoir ?
J’ai dit ce que j’avais à en dire : la police municipale fait tout au long de l’année un travail très exigeant, en totale impartialité, dans une ville de Cannes qui est difficile. Le policier a fait son travail et il l’a bien fait, c’est tout. Il veut rester discret parce qu’il est très meurtri de la notoriété que prennent ces images sur le Web, mais je peux vous dire qu’il est encouragé dans son travail.
Personne n’est au-dessus des lois, Thierry Frémaux non plus. C’est une non-affaire. D’un autre côté, tout comme il ne faut jamais s’acharner sur quelqu’un qui porte une casquette à l’envers, il ne faut pas s’acharner sur une personne qui porte un smoking. Sur les réseaux sociaux, l’extrême droite s’est injustement acharnée sur Thierry Frémaux, qui s’est fait traiter d’icône du wokisme. Je n’ai pas aimé ça.
Ce 76e Festival a également été précédé d’une polémique sur la sélection de Jeanne du Barry de Maïwenn et la présence de Johnny Depp sur le tapis rouge. Une centaine d’actrices ont publié une tribune dans Libération dénonçant le fait que Cannes déroule son tapis rouge « aux hommes et aux femmes qui agressent »…
Le milieu des artistes qui signent dans Libé n’est pas mon univers…
C’est un vaste débat qui touche le milieu de la culture. La culture est votre univers, vous en avez même fait un essai…
J’ai suivi cette affaire, mais j’ai tellement vu passer ce genre de polémiques… Le Festival de Cannes doit être ce qu’il a toujours été : une manifestation qui se nourrit de ses paradoxes. C’est toute la richesse et la singularité de ce festival qu’on peut détester ou aimer, à qui on fait tous les reproches les plus contradictoires. Mais quoi qu’on en dise, les polémiques passent et le Festival de Cannes reste. On ne cesse de l’annoncer en déclin depuis des années.
Par rapport à la Mostra de Venise notamment…
Non, c’est faux. D’abord le vrai concurrent de Cannes, c’est le festival de Berlin, qui, lui aussi, a un vrai marché du film. Venise est une manifestation intéressante mais elle n’a pas du tout le même rayonnement. Ce festival n’a pas de marché ni les mêmes infrastructures de projection et je trouve qu’ils sont allés trop loin avec Netflix. Il n’y a qu’en France qu’on parle autant de Venise… Pour une raison que j’ignore, on a du mal à reconnaître qu’on a le plus grand festival culturel du monde.
« Je me méfie des postures et des injonctions morales, comme de ce maccarthysme de gauche et ce puritanisme wokiste. » David Lisnard
Pour répondre à votre question initiale : ce qui reste, ce sont les œuvres. Une œuvre résiste à son auteur, comme disait Hannah Arendt. Je me méfie des postures et des injonctions morales, comme de ce maccarthysme de gauche et ce puritanisme wokiste. Il aurait fallu donc censurer une œuvre, ne pas la sélectionner parce qu’un acteur a été mis en cause dans une affaire de divorce à l’issue de laquelle il n’a même pas été condamné ? Les tenants de cette position causent du tort aux femmes victimes de violences masculines à force de banaliser toutes les situations.
Adèle Haenel annonçait voici quelques jours quitter le cinéma parce qu’il « participe à un ordre écocide et raciste » et favorise « l’impunité des prédateurs sexuels ». Y a-t-il une telle impunité dans le monde du cinéma ?
Je ne suis ni juge ni procureur ! C’est à la justice de trancher ces affaires, c’est ce qu’on appelle l’état de droit, la seule façon de protéger les libertés. Tout le monde n’est pas coupable a priori parce qu’on a décidé qu’il était coupable. Les propos que vous me rapportez sont extrémistes, ils ne défendent pas bien la cause des femmes, c’est une posture, une sentence de la part de personnes qui ont beaucoup de certitudes.
Moi je reste à ma place de maire, je rappelle juste que la ville de Cannes a été pionnière dans la protection des femmes avec la création d’une maison d’accueil de femmes battues en collaboration avec les services de l’État, et avec une politique très forte de soutien aux victimes de violences conjugales.
Je trouve grave de disqualifier moralement des gens et des événements comme le Festival de Cannes tant que la justice n’a pas tranché. Le retrait de Mme Haenel est certainement dommageable pour le cinéma, elle a du talent… Mais je l’invite à s’engager en politique pour défendre ses idées. On ne peut pas lyncher sans procès. Et tout procès ne doit pas être un procès d’inquisition puritaine, mais établi sur la base de faits et d’éléments juridiques. Autrement, c’est la dérive potentielle vers tous les totalitarismes… Et tout ça de la part de gens qui dénoncent le fléau de l’extrême droite.
Le 19 mai dernier, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a annoncé le plan « Fabrique de l’image » pour doubler la surface des plateaux de tournage en France ; onze studios ont été retenus, dont ceux de la Victorine à Nice. La France entend devenir ainsi le leader européen des tournages après la Grande-Bretagne. Êtes-vous satisfait de cette annonce ?
Cela fait longtemps que je soutiens une approche proactive en la matière. Il faut juste faire attention à ce que l’argent de l’État ne crée pas des distorsions de concurrence au détriment d’investissements privés. Veiller à ne pas soutenir des projets qui ne sont pas vraiment rentables ni solides dans leur tour de table financier ou dans la disponibilité du foncier. Et il y en a certains dans ce plan – je ne citerai pas lesquels –, donc soyons prudents.
La distorsion de concurrence, c’est aussi un problème dans l’événementiel. Il est scandaleux par exemple que 6 millions d’euros d’argent public soutiennent, chaque année, une manifestation, Séries Mania à Lille, qui s’est positionnée sur les dates du MIP TV alors que ce dernier existe depuis cinquante ans. Nous avions, avec le MIP TV, le premier rendez-vous mondial de l’industrie audiovisuelle, avec 100 % de financements privés.
À quels projets faites-vous allusion parmi ceux qui ont été sélectionnés ?
Je n’ai pas à le dire ici, j’ai alerté les services concernés sur certains projets dont le foncier n’était pas assuré et dont le tour de table n’était pas bouclé, on m’a garanti que ces projets seraient finalement sortis du jeu. Je le répète : il ne faut pas que des projets soient artificiellement sous perfusion publique et perturbent des investissements privés.
En quoi consiste le partenariat entre la ville de Cannes et l’organisation du festival ?
Il y a un partenariat contractuel de deux ordres. Une convention entre la ville de Cannes et l’Association française du Festival international du film de Cannes, l’Affif, présidée par Iris Knobloch ; et un deuxième partenariat entre la Semac, l’entité gestionnaire du Palais des festivals et des congrès, société de droit privé mais dont l’actionnaire majoritaire est la ville, et l’Affif. Ce partenariat prévoit la mise à disposition d’espaces et les conditions de cette mise à disposition, une durée garantie sur le mois de mai avec des dates prioritaires pour le festival. Elle apporte toute la sécurité matérielle et organisationnelle au Festival.
« Il est scandaleux que 6 millions d’euros d’argent public soutiennent chaque année une manifestation, Séries Mania à Lille, qui s’est positionnée sur les dates du MIP TV de Cannes. » David Lisnard
La ville de Cannes subventionne le Festival à hauteur de 2 millions d’euros, plus une mise à disposition logistique d’une valeur de 4,5 millions d’euros : les jardinières installées pour délimiter la circulation, les aménagements de la plage, la sécurisation de la ville…
Au total, pour la ville de Cannes, c’est un investissement de 6,5 millions d’euros par an. Mais en réalité, ce partenariat est bien plus puissant parce qu’on organise plusieurs opérations culturelles avec le festival, on travaille à l’année avec eux. La ville est cocréatrice du festival et, à ce titre, elle est membre du conseil d’administration de l’Affif.
Quelles sont les retombées économiques annuelles pour la ville en contrepartie de cet investissement ?
En effets directs, indirects et induits, on évalue les retombées du Festival de Cannes à une fourchette entre 180 millions et 220 millions d’euros. Tout au long de l’année, les retombées du Palais des festivals et des congrès est évalué à 900 millions. Donc le Festival de Cannes représente, à lui seul, environ entre 20 % et 25 % des retombées du Palais de la ville, c’est loin d’être négligeable.
Vous considérez-vous comme cinéphile ?
Je me garde des étiquettes trop prétentieuses, donc cinéphile je ne sais pas. Le premier nom qui me vient à l’esprit quand je pense au cinéma, c’est de Funès, comme beaucoup de Français. Je ne me lasse jamais de ses films, de Ah ! les belles bacchantes à L’Aile ou la cuisse, mais j’ai eu aussi des chocs en cinémathèque comme Le Troisième Homme ou Citizen Kane.
Le fait d’aller au Festival de Cannes comme administrateur depuis vingt-deux ans m’a permis de progresser dans ma cinéphilie. Par exemple, La vie est un miracle de Kusturica ou Tree of Life de Terrence Malick, qui m’ont bouleversé. Et puis à partir de mon amour pour les films populaires de Belmondo, j’ai découvert Léon Morin, prêtre de Jean-Pierre Melville, À bout de souffle de Jean-Luc Godard.
Et en tant que maire de la ville d’accueil de Canneséries, quelles sont vos séries fétiches ?
Je vais vous citer mes séries d’enfance : les saisons de Chapeau melon et bottes de cuir avec Diana Rigg, que nous avions fait venir à CanneSéries l’année précédant son décès, une très grande dame. D’autres séries m’ont marqué à vie : Cosmos 1999, Les Sentinelles de l’air, Les Mystères de l’Ouest et Amicalement vôtre. BIen plus tard, j’ai redécouvert l’art des séries grâce à The Wire et The Shield, ma série préférée. Côté séries françaises, je pourrais citer Le Bureau des légendes et plus récemment B.R.I.,que j’ai trouvé plutôt bien faite.
Elle suscite l’inquiétude des artistes et créateurs de l’audiovisuel : l’intelligence artificielle est-elle une menace pour tous ces secteurs ?
C’est à la fois une immense menace et une immense opportunité. ChatGPT est enfin devenu un enjeu politique et c’est une vague inarrêtable mais régulable. Le XXe siècle a été celui de l’industrie, qui a permis l’accession aux biens matériels, l’émancipation de la femme et l’augmentation de l’espérance de vie. Mais le XXe siècle, c’est aussi la mort industrielle : la boucherie de 14-18, l’absurdité de la Shoah…
On se retrouve dans un schéma similaire au XXIe siècle : avec l’IA, on est dans une révolution comparable à la Renaissance avec de nouvelles expressions artistiques. La création d’histoires par l’IA, l’algorithmie qui permet de faire du marketing ciblé, plus une nouvelle expression artistique avec le métavers, la question de la place de l’homme se pose dans ce nouvel univers.
« Les enjeux autour de l’intelligence artificielle nécessitent un débat politique et philosophique d’une autre ampleur que celui sur les trimestres de retraite. » David Lisnard
Cette évolution remet au centre du débat la place de l’homme et il faudra une puissance philosophique et créatrice pour sortir de l’uniformité de l’algorithme. Les puissants Disney et Marvel ne sont rien à côté de ce que nous allons vivre. Des productions de masse vont émerger quasiment écrites uniquement par l’intelligence artificielle et, dans cet univers d’uniformisation, les actes de création et de rupture seront vitaux pour distinguer l’homme de l’IA la plus puissante.
L’intelligence artificielle sera la source de la plus grande émancipation possible, elle va nous permettre de soigner des cancers, de régler les problèmes écologiques… mais sa contrepartie est le risque d’un totalitarisme vertical et horizontal, un contrôle social à la chinoise. Ces enjeux nécessitent un débat politique et philosophique d’une autre ampleur que les trimestres de retraite.
Retrouvez l’article sur le site Le Point, en cliquant sur le lien suivant.
« Il s’agit là d’une révolution que nous ne devons pas manquer, et donc un secteur dans lequel la France et l’Europe doivent porter une grande ambition afin de devenir des puissances numériques, assurer leur souveraineté, ne plus être des colonies numériques des Etats-Unis et de l’Asie, et veiller à préserver les libertés individuelles et la place de l’Homme dans la société » David Lisnard.

Près de 15 000 participants étaient réunis au Palais des Festivals et des Congrès pour ce rendez-vous international dédié à l’Intelligence Artificielle et déjà devenu incontournable. David Lisnard a inauguré la 2ème édition en présence du Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, de Charles-Ange Ginesy, Président du département des Alpes-Maritimes, de François Sauvadet, Président de l’Assemblée des Départements de France et de Jean Leonetti, maire d’Antibes et Président de la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis.

« Il s’agit là d’une révolution que nous ne devons pas manquer, et donc un secteur dans lequel la France et l’Europe doivent porter une grande ambition afin de devenir des puissances numériques, assurer leur souveraineté, ne plus être des colonies numériques des Etats-Unis et de l’Asie, et veiller à préserver les libertés individuelles et la place de l’Homme dans la société.
L’enjeu de l’IA est donc à la fois économique, scientifique, géopolitique, éthique, démocratique, donc politique.
A ce jour, 70% des brevets déposés en matière d’Intelligence Artificielle proviennent des Etats-Unis, de Chine, du Japon ou de Corée du Sud et aucun groupe français ne figure dans les 20 opérateurs privés les plus importants du monde.
C’est en sachant utiliser et maîtriser l’Intelligence Artificielle que nous pourrons relever les défis majeurs de notre époque, notamment climatiques, médicaux, entrepreneuriaux, militaires. Il faut en avoir conscience et vite s’emparer de ses sujets. C’est une conviction qui m’habite depuis plus de 10 ans et que j’évoque quasiment à chaque discours. C’est cette conviction qui m’a poussé à vouloir créer, à Cannes, au Palais des Festivals et des Congrès, un rendez-vous international entièrement dédié à cette thématique, rassemblant à la fois les professionnels et le grand public.
Je remercie à ce titre le Département des Alpes-Maritimes et son président, Charles-Ange Ginesy, qui était également à mes côtés ce matin, qui partage cette conviction et mène une politique véritablement volontariste en matière d’Intelligence Artificielle, de s’y être associé et d’avoir permis la tenue de ce grand événement populaire, qui a rassemblé plus de 10 000 participants dès sa première édition et qui en attend plus de 15 000 pour son deuxième volet. » David Lisnard.
Plus de 8500 accrédités, des innovations, un engouement : cette première édition du World International Artificial Intelligence Cannes Festival était une réussite.

David Lisnard, Maire de Cannes et Président de l’Association des Maires de France, Charles Ange Ginesy, président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, Jean Leonetti, Maire d’Antibes et Alexandra Borchio-Fontimp, sénatrice et présidente du Comité Régional du Tourisme Côte d’Azur France, ont inauguré la première édition du grand rendez-vous international cannois dédié à l’Intelligence Artificielle, qui a réuni industriels, chercheurs, financeurs, intellectuels, politiques, scientifiques, et grand public pendant 3 jours au Palais des Festivals et des Congrès.

« La troisième révolution industrielle des technologies numériques, de l’intelligence artificielle, de la robotique et de l’informatique quantique est un des grands défis de l’humanité. Elle bouleversera (et a déjà commencé à le faire) notre monde. Il est essentiel de porter une grande ambition en la matière, pour l’avenir de nos libertés et pour la prospérité de la France, et donc d’en maîtriser les codes dès aujourd’hui. L’Intelligence Artificielle peut autant inquiéter que susciter l’espoir, je pense notamment aux domaines de la médecine, de l’agriculture ou, comme l’actualité nous le rappelle hélas, de stratégie militaire. La France ne doit pas rater ce virage et doit au contraire en faire un levier de souveraineté » David Lisnard.

« En organisant un tel événement à rayonnement mondial, nous voulons montrer que Cannes est pionnière sur un sujet majeur pour notre société, et renforcer encore un peu plus la place de notre ville en matière d’organisation de salons à la fois qualitatifs. Ce salon poursuit quatre grands objectifs : développer le marché de l’Intelligence Artificielle, présenter les dernières innovations, éduquer l’ensemble de la population sur les bénéfices et les risques de cette technologie et offrir un lieu d’expérimentation et de découverte » David Lisnard.
La ville de Cannes s’apprête à rentrer dans l’histoire !

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