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« Le 24 aout 1944, Cannes était libérée ; de l’occupation italienne puis allemande, donc nazie, pendant la seconde guerre mondiale. Dans les rues de notre ville, soldats américains et population en liesse formaient des cortèges de joie dont l’image et l’esprit se retrouvent aujourd’hui dans les véhicules d’époque réunis ici-même à l’initiative d’Alain Sauvan et de ses compères, que je vous demande d’applaudir.

Cette joie, comme progressivement dans tant de villes françaises depuis le débarquement en Normandie puis en Provence, était celle de la libération, c’est-à-dire littéralement de la liberté retrouvée. Elle le fut grâce à nos libérateurs…

79 ans après, notre premier devoir est bien là : entretenir la mémoire et rendre hommage à ceux qui ont permis à notre ville, et plus largement à l’Europe, de sortir du joug raciste, antisémite et totalitaire du régime nazi d’Adolph Hitler. De jeunes soldats, venus avant tout des États-Unis d’Amérique à qui nous devons exprimer notre éternelle reconnaissance, mais aussi d’Angleterre, de Nouvelle Zélande, d’Australie et du Canada, des forces françaises libres, y compris d’Afrique, sans oublier le sacrifice des millions d’hommes de l’armée rouge sur le front Est, ont permis de l’emporter sur les troupes de l’axe et avant tout de la redoutable Wehrmacht.

L’opération Dragoon, lancée le 15 août sur les côtes provençales, venait conforter le débarquement du 6 juin en Normandie, et ouvrait un second front de libération.

La 7e armée américaine du général Patch et l’armée B du Général de Lattre de Tassigny poursuivaient, sur d’autres rives, le combat des généraux Eisenhower, Montgomery et Leclerc lors de l’opération Overlord, et participaient, ce faisant, à la libération de la France.

Quelle avancée, en seulement deux mois, des forces alliées !

C’est donc bien à nos libérateurs que nous disons, en ce 24 août, notre profonde et éternelle reconnaissance.

Reconnaissance :

– Bien sûr en premier lieu au Général de Gaulle qui, dès 1940, alors bien seul, analysa les conditions de la défaite de la campagne de France, et pensa aussitôt aux modalités de la victoire, en laquelle il croyait et qu’il sut construire avec abnégation.

– Aux Forces Françaises Libres qui, de Dakar à la poche de Colmar, bataillèrent sans relâche pour redonner au pays sa liberté, et à l’Europe sa dignité.

– Aux Compagnons de la Libération, animés jusqu’au bout des doigts par la devise de l’ordre, Patriam servando, victoriam tulit (« En servant la patrie, il a remporté la victoire»), qui nous guidèrent vers la lumière en ne perdant jamais de vue la croix de Lorraine.

– A toutes les puissances alliées qui ont uni leurs forces aux nôtres dans un élan libérateur partagé : les Etats-Unis, bien sûr, le Royaume-Uni, avec à sa tête Winston Churchill, qui fut l’homme d’une trempe exceptionnelle dans des circonstances exceptionnelles, et les pays membres du Commonwealth dont le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi la Pologne, le Luxembourg, la Belgique, les Pays-Bas.

Notre cérémonie est une nécessaire et salutaire entreprise de lutte contre les effets du temps qui pourraient estomper la reconnaissance que nous devons au sacrifice de ces si jeunes gens, morts pour que la France retrouve sa liberté et que la démocratie, à tout le moins à l’ouest de notre continent, puisse à nouveau vivre.

Mes chers amis, il est une autre dimension à cette célébration, celle de l’honneur retrouvé ; grâce au génie du général De Gaulle qui sût placer la France, vaincue en 1940 en quelques semaines puis collaborationniste, du côté de la victoire en 1944, une France imposée comme une sorte de divinité extraterritoriale, depuis Londres, une France dont l’essence serait incompatible avec la soumission et la lâcheté. De façon plus prosaïque, la libération est donc aussi l’œuvre de Français, ceux des premiers commandos de notre pays, les commandos Kieffer, que nous devons célébrer avec le souvenir du dernier disparu Léon Gautier, les Français aussi venus d’Outre-mer, notamment du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, les Français enfin de la résistance. Gloire à eux.

Notre ville eut de ces héros.

Cannes, en effet, n’a pas manqué à l’appel du devoir, et a pu compter sur ceux dont les noms, aujourd’hui, incarnent nos lieux publics :

Ange-Marie Miniconi, Stephane Vahanian, Jean Haddad-Simon, Maurice Derché, Pierre Graglia, Michel Jourdan, Léon Goyet, Francis Tonner, Henri Bergia, les frères Casanova et Pradignac, Hélène Charpiot, René Viglieno, Marius Monti, Tony Isaïa et tous ceux, frères d’armes, qui, jamais, ne reculèrent.

Je n’oublie pas non plus :

– Les résistants de la Villa Montfleury, siège cannois de la Gestapo : Jean-Baptiste Albertini, Concetta Biacca, Gustave Biny, Pierre Raymond Chalmette, Alfred Froidurot, Georges Krengel, Marius Martini et Hyppolite Séguran. Torturés, ils furent tous les huit assassinés froidement ;

– Léon Noel, engagé dans la résistance à 24 ans, qu’il organisait depuis son magasin de cycles de l’ancienne rue du Titien, à Cannes. Interrogé, torturé, il fut fusillé le 21 septembre 1943 ;

– Ses amis Claude Levissalles et Louis Perrissol, tous deux décédés en déportation en 1944 ;

– La sœur Gabrielle Douillard, dite mère Irène de Jésus, directrice de l’Institut Sainte-Marie de Chavagnes, qui protégea nombre de jeunes filles juives, et fut distinguée comme Juste parmi les nations ;

– Et, bien sûr, Hélène Vagliano, notre héroïne cannoise s’il en fut, qui, de la villa « Champ-Fleury » à la rue Teisseire, engagée dans la Maison locale du Prisonnier en même temps qu’elle fut veilleuse pour le Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA), tomba sous les balles de la Gestapo, à Nice, le 15 août de l’été 1944. Torturée, martyrisée, elle ne parla jamais.

Leur sacrifice fait l’honneur de notre ville, et force notre admiration comme il doit avoir valeur d’exemple pour les jeunes générations.

Ce combat de la résistance d’une haute valeur morale n’était pas dénué d’une portée stratégique. Il servit les intérêts géopolitiques d’une France redevenue puissance indépendante sous le sceptre du commandeur De Gaulle, et d’un peuple qui retrouvait sa fierté par le courage et le don de soi, le don du sang de ses résistants.

La liberté n’est pas un vain mot, et encore moins une réalité factice, pour ceux qui ont connu l’enfermement, l’emprisonnement et parfois la torture, la soumission et l’humiliation.

Ceux qui, dans le silence de la mer comme dans l’armée de l’ombre, dans le maquis du Vercors comme dans celui du Limousin, menèrent, dans l’anonymat et la crainte permanente d’être démasqués, la bataille contre le régime de Vichy et les forces collaborationnistes en nombre.

Durant quatre longues années, pour les femmes et les hommes qui voulaient sauver la nation France, il fallut s’armer de patience et de discrétion, d’ingéniosité et d’habileté aussi.

Car ils connaissaient, mieux que personne, la réalité de la privation de liberté. Et étaient ainsi plus déterminés que jamais à y mettre fin.

Quoi de plus honorable que de mettre sa propre vie en danger pour son pays ? Honorable et rare.

Leur sacrifice peut et doit avoir un sens aujourd’hui.

Notre devoir de mémoire à leur égard dépasse leur personne et trouve en effet une ardente nécessité en ces années 20 du XXIème siècle, porteuses de tant d’opportunités mais aussi de tant de menaces, de tant de progrès mais aussi de tant de régressions. Ici à Cannes, le jour de la libération, nous tenons à exprimer notre fidélité combattante pour que la portée civique du sacrifice de nos ainés s’inscrive dans la durée.

Ils nous ont légué un pays vainqueur malgré la collaboration et libre malgré l’occupation.

Il en a résulté, toujours en héritage du général De Gaulle, les outils de notre souveraineté qu’il nous faut ardemment préserver, et parfois, hélas, retrouver. La dissuasion nucléaire reste aujourd’hui notre meilleur atout géopolitique dans un monde qui nous rappelle que, pour citer Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Nous le constatons depuis février 2022 sur le sol européen en Ukraine, dont c’est aujourd’hui en ce 24 août la fête nationale, Ukraine où se joue une partie de notre avenir, de notre indépendance et de notre liberté, face à tous les empires conquérants qui retrouvent vigueur.

La dissuasion nucléaire nécessite des moyens adaptés pour se renouveler et garantir son opérationnalité à l’époque des cyber-conflits. Notre marine en particulier, dans le cadre de la loi de programmation militaire, devra voir ses équipements renouvelés pour préserver à terme l’intégrité géographique de notre pays, y compris outre-mer.

De même, le siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU dont dispose la France depuis la création de cet organisme n’a pas à être partagé, c’est-à-dire bradé, comme certains voudraient nous y amener, avec l’Allemagne.

De cette spécificité française, nous devons tirer profits et en garantir la pérennité.

Et par conséquent, doter nos armées de moyens à la hauteur des menaces qui nous guettent.

La loi de programmation militaire 2024-2030, qui prévoit une enveloppe de 413,3 milliards d’euros, à ce titre, va dans le bon sens. Mais il faut qu’elle ne traduise en réalité budgétaire annuelle, avec un Etat exsangue.

Mais il faut davantage mettre en avant l’efficacité de nos systèmes d’armes, comme le Système sol-air moyenne portée/terrestre (SAMP/T) qui obtient de bien meilleures interceptions que le Patriot américain.

Le devenir de nos chars Leclerc, en cours de modernisation pour les rendre compatibles avec le programme Scorpion de combat collaboratif, n’empêchera pas leur disparition à l’horizon 2035-2040.

Cette loi, de bon sens, ne va hélas pas assez loin.

Notamment, elle semble minimiser nombre de charges futures sur des points essentiels.

Comment, par exemple, comprendre que seuls 750 millions d’euros seront affectés annuellement aux Opérations Extérieures (OPEX) alors qu’on les provisionnait jusqu’alors, en moyenne, d’un peu plus d’un milliard d’euros ?

Plus largement, dans tous les secteurs qui déterminent et détermineront la capacité des nations à être libres et souveraines, notre pays doit investir massivement par lui-même, et en recherchant de fécondes et équilibrées coopérations internationales, en priorité européennes. Je pense notamment à l’intelligence artificielle dont nous ne pouvons être les spectateurs médusés et simplement des régulateurs : notre devoir est d’en être aussi producteurs pour en maîtriser l’usage. Je pense aussi à la physique quantique qui va révolutionner l’informatique et au-delà nos vies. Je pense au secteur spatial dans lequel nous sommes en train progressivement de laisser nos acquis de souveraineté et avantages concurrentiels à nos concurrents. Ils constituent des enjeux prioritaires, dans une approche industrielle stratégique qui doit concentrer les ambitions économiques de notre pays par le développement de la recherche et la mise en œuvre d’une capacité d’investissement, c’est-à-dire une puissance capitalistique, loin de tout saupoudrage politicien, de tout planisme étatiste et de tout relâchement consumériste. Sans cela, à terme, d’une façon ou d’une autre, la France sera asservie.

La fidélité aux libérateurs, célébrés aujourd’hui, c’est de préserver par-dessus tout notre liberté.

Or, cette liberté retrouvée le 24 août 1944 s’avère de plus en plus fragile.

Les menaces, attaques et reculs sont chaque jour plus évidents et de plusieurs ordres, à la fois extérieurs et intérieurs.

Les menaces géopolitiques tout d’abord. Partout autour de nous se reconstituent, s’arment et se déploient des empires illibéraux et antidémocratiques que nous pensions disparus ou en sommeil. C’est vrai en Chine, en Russie, au Proche-Orient. Le recul diplomatique de la France est une réalité calamiteuse. Il se fait à un rythme accéléré dont les expressions les plus manifestes ont eu lieu ces derniers mois au Mali, au Burkina Faso et au Niger pour évoquer l’Afrique subsaharienne. Aux antipodes, l’annulation des contrats des sous-marins destinés à l’Australie révèle la préparation par les Etats-Unis de conflits en mer de Chine pour lesquels la France n’apparait plus comme un protagoniste potentiel crédible.

Pour être fidèle à elle-même et aux générations futures, la France se doit de porter une ambition en politique étrangère, et donc définir des objectifs et s’en donner les moyens.

Que s’est-il passé depuis le propos du président de la République sur l’OTAN qu’il déclarait en « état de mort cérébrale » ? Depuis, jamais l’OTAN n’a été autant au centre du jeu.

Quelles leçons ont été tirées de la désastreuse visite d’Etat en Chine, au printemps dernier ?

Quelles demandes claires ont été faites à Xi Jinping alors que le protectionnisme chinois impacte sévèrement notre déficit commercial ?

Quelles garanties ont été obtenues quant à l’évolution de la guerre menée par la Russie en Ukraine, eu égard à la position très ambiguë du régime communiste envers l’ex puissance soviétique ?

La France, qui se revendique comme une puissance leader en Europe et par ses voix officielles comme un moteur de l’Indopacifique, reste sourde et muette face à l’enjeu de la stabilité dans le détroit de Taiwan, point stratégique commercial international crucial de grande importance.

La fameuse « troisième voie », entre la Chine et les Etats-Unis, que l’Elysée s’acharne à défendre, manque de clarté, et surtout de contenu.

Le franc-parler dont nous usons avec les Américains doit également s’appliquer vis-à-vis des Chinois.

Le recul international de la France est proportionnel à l’emphase des discours de l’Exécutif dont la parole à l’étranger vise surtout à flatter l’opinion nationale, sans construire la capacité de rayonnement de notre pays pour les prochaines décennies.

Militaire, diplomatique, culturel, mais aussi commercial, ce recul touche hélas tous les secteurs. Comment peser sur les affaires du monde lorsque l’on bat des records de déficit du commerce extérieur et que la désindustrialisation intérieure nous a rendus dépendants sur des secteurs aussi stratégiques que les médicaments ou les composants électroniques ? Notre avantage compétitif de l’énergie a été sacrifié par une vision non seulement démagogique mais tout simplement erronée et pusillanime de ce secteur d’activité plus qu’essentiel, avec des dirigeants se vantant il n’y a pas si longtemps, à travers la bouche du Président de la République, de son Premier Ministre d’alors et de sa Ministre de l’environnement, de démanteler la filière électronucléaire en annonçant la fermeture de 14 réacteurs, à commencer par les deux de Fessenheim. Depuis, le rétropédalage ne manque pas d’intensité. Mais notre pays a perdu au moins dix ans de souveraineté comme notre économie une partie de sa compétitivité, et nos familles du pouvoir d’achat, avec des factures énergétiques devenues dans de trop nombreux cas problématiques.

Notre liberté pâtit de ce déclassement français dont la réalité est objectivée et contredit les discours autosatisfaits. La réalité des comptes de l’Etat est celle d’une dégradation forte, depuis le dernier budget à l’équilibre en 1974, et un endettement tourné non pas vers l’investissement mais vers le fonctionnement d’une machine qui prélève plus d’impôts et de charges qu’ailleurs tout en voyant l’effectivité des services publics sur le terrain régresser. C’est le cas à l’hôpital, c’est le cas dans les prisons, c’est le cas dans les servies régaliens du ressort de l’Etat, en zones urbaines comme à la campagne. La bureaucratie, celle qui résulte de l’inflation normative et de la volonté de tout prévoir en amont par des schémas, coûte cher, entrave les Français au quotidien et ne nous permet plus de disposer d’un Etat fort, qui intervient a posteriori pour sanctionner ceux qui sortent des clous, ceux qui abusent. Au contraire, l’Etat est devenu pléthorique dans des procédures a priori, qui entravent l’action, faisant de notre pays la république des Cerfa et de notre administration une armée archipelisée de production de règles, souvent contradictoires, qui conduisent à pinailler sur de nombreuses actions quotidiennes, y compris d’intérêt général. Nous l’avons vu sur la réutilisation des eaux usées, où notre ville est pionnière en France, quand elle aurait pu l’être en Europe il y a dix ans, puisqu’il a fallu précisément une décennie de procédures administratives pour répondre aux injonctions préalables obligatoires de l’Etat via ses services sanitaires contredisant ses services environnementaux. Code de l’environnement multiplié par dix en dix ans, de cent mille mots à un million de mots, code général des collectivités territoriales multiplié par trois en vingt ans, etc, etc : nous ne manquons pas globalement de moyens dans la fonction publique, contrairement à un discours ambiant ; nous avons même le record du monde de la dépense publique, qui constitue, au regard de l’endettement, une bombe à retardement pour nos enfants, qui commence à exploser avec la hausse des taux d’intérêt et la crise gravissime à venir du secteur du logement. Le problème de la puissance publique est donc plutôt à chercher dans les moyens détournés du service à l’usager, dans l’excès de process, de précautions, pour parler clair de paperasse, qui enlèvent de la responsabilité individuelle, donc de l’efficacité et de la justice, et diluent l’action jusqu’à l’impuissance publique dans les méandres des bureaux. Lutter contre la bureaucratie constitue un enjeu majeur pour notre pays ; son efficacité, et la liberté qui y règne, celle à laquelle nous devons être par-dessus tout fidèles.

De même, cet accroissement continu de la dépense, des procédures, du social-étatisme, qui pénalise à la fois les contribuables, les usagers et les fonctionnaires eux-mêmes, souvent mal payés et dont le sens de la mission est de moins en moins évident, stimule un laisser-aller collectif, une infantilisation porteuse de frustrations, de ressentiment et de violence. Puisque l’argent public est comme un puits sans fin, puisque certains seraient très riches au détriment des autres et qu’il suffirait donc de plus leur prendre, puisque les politiques répondent souvent aux demandes et revendications par une logique de guichet très flatteuse et clientéliste, avec des aides publiques portées sur n’importe quelle situation, jusqu’à des « chèques charbon » l’hiver dernier, ou depuis quelques semaines une absurde aide à la retouche des vêtements et des chaussures des particuliers, via des professionnels qui doivent recevoir un agrément préalable de l’Etat, en respectant une nomenclature qui a dû mobiliser pendant des centaines d’heures des intelligences dans la haute fonction publique pour déterminer les barèmes de financement (7 euros pour une chemise à rapiécer, un peu plus pour un talon, etc)… Cette infantilisation nous conduit dans un mur de paupérisation, parce qu’on endette le pays et qu’il faudra bien rembourser, mais aussi de délitement civique, car on passe de citoyen responsable à consommateur d’aides, toujours insatisfait de l’Etat vu comme une « big mother ».

Le phénomène n’est pas nouveau, il est marqué en France beaucoup plus qu’ailleurs ; rappelons que de nombreux pays, y compris au sein de la zone Euro, arrivent à voter des budgets équilibrés et que notre influence relative diminue en Europe et dans le monde en raison aussi de cette incapacité à produire plus que ce que nous dépensons.

A Cannes, nous avons réussi depuis 2014 à baisser chaque année la dette communale, tout en pratiquant la sobriété fiscale, et en investissant pour améliorer et embellir les espaces publics en relevant le défi environnemental. La dette de la commune continue de baisser, nous en sommes à -65 millions d’euros en 9 ans. Tout cela est possible grâce à un travail municipal profond et méthodique, d’organisation et d’exécution, de rigueur et de motivation.

Chers amis, il n’existe pas de prospérité et de liberté sans effort et sans responsabilité individuelle.

Tout relâchement fait reculer. Or, les enjeux du XXIème siècle exigent ce sens de l’effort.

Car les aliénations potentielles de notre époque sont également à trouver du côté de la révolution numérique, porteuse d’immenses progrès, par la puissance de calculs liés à l’intelligence artificielle et à l’algorithmie, en attendant la révolution de la physique quantique, qui, couplée à la robotique, aux nanotechnologies, à la biotech et à tant d’autres secteurs technologiques en croissance exponentielle sur la planète, va permettre de solutionner des problèmes aussi lourds et graves que ceux du cancer, de certaines maladies rares, de handicaps, vécus comme autant d’injustices dans la fragilité aléatoire de l’être humain à l’égard de virus, microbes, dégénérescences. Notre époque amène d’immenses espoirs thérapeutiques qui se concrétiseront grâce à l’intelligence artificielle. De même que le défi climatique et de la biodiversité sera relevé en grande partie par l’innovation, l’investissement, le progrès technique et la puissance capitalistique au service de la décarbonation. Les inventions et leur mise en œuvre industrielle se font actuellement de façon extrêmement rapide. À titre d’exemple, le programme d’investissement lancé aux Etats-Unis ces derniers mois sous le nom d’IRA, en adéquation entre la puissance publique et les grandes entreprises, génèrera a minima 38 % de baisse des gaz à effet de serre dans la décennie à venir.

L’Europe doit par conséquent porter une ambition en la matière pour répondre à l’évidente urgence écologique mais aussi pour sa liberté, sa souveraineté, de même qu’elle ne doit pas devenir un peu plus la colonie numérique des Etats-Unis, de la Chine, du Japon et de la Corée du sud.

Mais la contrepartie de ces progrès est proportionnelle à leur potentialité : elle réside dans la réduction voie la suppression possible de nombreuses libertés, liée à la concentration des données personnelles des individus qu’eux-mêmes livrent sans retenue sur les réseaux sociaux, au recul du hasard face à une algorithmie qui optimise tous nos choix et donc formate nos vies, aux techniques de surveillance qui peuvent conduire à la dictature pure et parfaite dont rêvait Hitler ou Staline. Le contrôle social en Chine par l’utilisation sans limite de l’intelligence artificielle, de l’algorithmie et des moyens de traçabilité des citoyens, sur le web comme dans la rue, par des systèmes vidéo non encadrés par les garde-fous judiciaires d’un état de droit, est précisément ce que nous devons absolument éviter en France. Cela passe par la production de ces technologies pour les maîtriser, par leur régulation aussi, par leur utilisation au service de la sécurité, mais d’une sécurité respectueuse des libertés, donc avec des garanties judiciaires des droits des individus.

La menace n’est pas que sur les libertés individuelles, mais aussi sur la démocratie elle-même, déjà tellement fragile et contestée mais pourtant si précieuse. Comme l’a répondu Giuliano da Empoli, auteur notamment du Mage du Kremlin, au Figaro le 6 août dernier : « Il n’y a pas que les fake news ou les «deepfakes» qui vont prochainement envahir nos écrans. Le vrai problème, c’est la pondération. Dans un monde où l’information est surabondante, les algorithmes qui gouvernent les nouveaux médias font que chacun ne voit que la partie de la réalité qui confirme ses opinions. Peu importe que ces informations soient vraies ou fausses. Elles peuvent même être toutes réelles, il y en a tellement ! L’essentiel est le poids relatif que vous accordez à ces faits, et le résultat est que la vieille phrase «vous avez droit à vos propres opinions, mais pas à vos propres faits» n’est plus valable. Désormais, chacun a le droit d’avoir ses propres opinions, mais aussi ses propres faits. Et, d’ailleurs, cela ne vaut pas que pour les électeurs trumpistes de l’Amérique profonde ou pour les partisans des nationaux-populistes en Europe. C’est valable pour tout le monde: les universitaires progressistes sur les campus, les figures de l’establishment, M. et Mme Tout-le-Monde… À moins que nous ne fassions des efforts conscients et constants pour nous exposer à des points de vue radicalement différents. L’IA va renforcer ce phénomène, car elle sera bien meilleure que les vieux algorithmes pour satisfaire nos préférences et exploiter nos passions. Elle fournira un contenu de plus en plus personnalisé – sur mesure pour chacun d’entre nous – et complètement immersif. »

Que dire enfin de cette tyrannie, maccartisme inversé comme je l’ai appelé récemment, du wokisme. Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas une vue de l’esprit. Chaque jour, des professeurs d’universités et même d’établissements de l’enseignement secondaire, aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, mais aussi en France, chaque jour des scientifiques, chaque jour des artistes, chaque jour des salariés ou des patrons, chaque jour des citoyens, sont victimes d’un arbitraire fou de minorités suractives, en particulier dans les grandes entreprises, à l’université et les milieux culturels qui veulent imposer leur doxa, un puritanisme que décrit si bien Jean-François Braunstein, professeur à la Sorbonne, dans tous ses ouvrages, et que nous avait annoncé le grand auteur américain Philip Roth. Partant d’une légitime, nécessaire et primordiale lutte contre les discriminations et le racisme, le wokisme tourne au fanatisme à dérive totalitaire, condamne des individus sur des simples allégations, de simples mises en cause, les expose à l’opprobre public, salit leur réputation, les fait exclure de leur travail, les empêche d’obtenir des bourses d’étude. Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas une exagération, c’est une réalité.

En voici quelques exemples :

1- Pour la politicienne Alice Coffin, les hommes n’ont aucun talent : « Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. Les œuvres des hommes sont le prolongement du système. Il ne suffit pas de nous entraider, il faut les éliminer. » (Le Génie lesbien, Grasset, septembre 2020) ;

2- « Au Planning, on sait que des hommes aussi peuvent être enceints. » (Affiche de campagne du Planning familial, août 2022) ; cette même entité qui, par sa présidente de l’antenne des Alpes-Maritimes, concernant la programmation de Lomepal, a dit dans Nice-Matin début août : « nous renvoyer à cette présomption d’innocence, c’est dire qu’il y a une présomption de culpabilité sur la potentielle victime. Et nous, c’est un discours qu’on ne peut pas entendre. » Voilà comme le wokisme s’assoit sur tous les principes de la démocratie et de l’état de droit pour devenir une tyrannie, dont le planning familial est devenu une de ses milices subventionnées.

3- « Une enseignante est accusée de discrimination de la part d’étudiants pour avoir refusé d’employer les termes “leader” et “follower” dans le cadre de son cours de danse, leur préférant ceux “d’homme” et de “femme”. » (« Sciences Po. Ces jeunes “offensés’’ sont exactement ce qu’ils prétendent combattre : des bigots », Le Figaro, 12 décembre 2022) ;

4- Au début du mois d’août 2023, la célèbre romancière britannique JK Rowling, qui a créé Harry Potter, a été exclue manu militari du musée de la pop culture de Seattle et de l’exposition Harry Potter qui y était organisée. Lui sont reprochées de prétendues positions transphobes, parce qu’elle avait notamment déclaré que toutes les « personnes ayant leurs règles » (« people who menstruate ») s’appelaient des femmes.

5- Le Figaro nous apprend cette semaine qu’un remake de Blanche-Neige doit voir le jour prochainement au cinéma : dans cette version revisitée, des responsables de Walt Disney disent avoir « consulté des membres de la communauté des nains. (…) les sept nains ont été remplacés par des « créatures magiques ». Et Blanche-Neige « ne sera pas sauvée par le prince et ne rêvera pas du grand amour ». Cette déformation de l’œuvre originelle a indigné le fils de David Hand, qui avait porté à l’écran, avec Walt Disney, la princesse des frères Grimm.

Sans même parler de ce spectacle présenté au Festival d’Avignon, intitulé « Carte noire nommé désir », qui fait de la ségrégation raciale dès la file d’attente, reléguant pour leur couleur de peau les blancs aux derniers rangs.

Cette idéologie mortifère qu’est le wokisme s’invite dans l’espace public, et pèse comme un droit de vie ou de mort sociale selon que l’on y souscrit ou non.

Au nom de la lutte contre toutes les discriminations, le wokisme et ses acteurs participent activement au décuplement desdites discriminations, créant des différences, voire pire, des exclusions.

La ségrégation est intellectuelle, morale, sociale, parfois physique.

Ce vent mauvais qui nous arrive, de plus en plus fort, des Etats-Unis, est pris trop à la légère. Au mieux, on en rigole se disant que c’est juste ridicule. Au pire, on n’y prête pas la moindre attention, pensant que cela n’aura aucune incidence, où que ce soit.

Or, cette « cancel culture » qui se pare des meilleurs habits de la vertu, est un danger public, un poison lent qui s’inocule dans les esprits et s’édifie comme vérité générale et incontestable.

Tout cela n’existe que parce que nous l’acceptons, parce que nous ne nous battons pas comme nos ancêtres, nos libérateurs et nos héros de la résistance, pour la liberté, la vraie, la liberté académique, la liberté de penser et d’expression, la liberté de choisir sa vie, du respect de la propriété privée, de la sphère privée, la liberté de la solitude, du droit à l’intimité.

Une moraline s’instaure qui voudrait faire vivre chacun comme un végétal aseptisé et asexué. Les violences sur les femmes, l’homophobie, le racisme sont trop graves pour que n’importe quel acte, pensée ou plaisanterie, leur soit assimilé. Il faut une action implacable contre toutes les formes de discrimination et parallèlement préserver les libertés individuelles, la présomption d’innocence, le secret de l’instruction, le droit à des procès équitables.

Déjà, en juillet 1943, dans sa sublime « Lettre au Général X », Antoine de Saint Exupéry, décrivait la tragédie à venir de la postmodernité, d’un monde privé de spiritualité. Alors qu’il combat les nazis, il écrit ainsi : « Je ne puis supporter l’idée de verser des générations d’enfants français dans le ventre du Moloch allemand. La substance même est menacée. Mais, quand elle sera sauvée, alors se posera le problème fondamental qui est celui de notre temps. Qui est celui du sens de l’homme, et il n’est point proposé de réponse et j’ai l’impression de marcher vers les temps les plus noirs du monde.

Ça m’est bien égal d’être tué en guerre. De ce que j’ai aimé, que restera-t-il ? Autant que des êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d’une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses, je m’en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c’est certain arrangement des choses. La civilisation est un bien invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments à musique distribués en grande série, mais où sera le musicien ? Si je suis tué en guerre, je m’en moque bien. Ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes qui n’ont plus rien à voir avec le vol et font du pilote parmi ses boutons et ses cadrans une sorte de chef comptable (le vol aussi c’est un certain ordre des liens). Mais, si je rentre vivant de ce « job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ? »

C’est parce que l’Occident en général, notre continent en particulier, y compris la France, se sont vidés spirituellement, ont abandonné des principes qui ont fait notre force tels que ceux que je viens d’énoncer, sacrifiés à l’autel du relativisme et du nihilisme, de la paresse intellectuelle, de la fascination pour la violence extérieure et du renoncement à la combattre dans nos rues, que les nouvelles tyrannies telles que le wokisme ou les nouveaux totalitarismes voulus par ces empires extérieurs hostiles ou par l’islamisme radical, prospèrent aussi facilement dans les cœurs et les esprits.

Il est vital d’expliquer à notre jeunesse que l’universalisme républicain n’est pas une forme de domination patriarcale et blanche, mais bien la garantie absolue, lorsque l’on s’approche de cet idéal, du respect et de la liberté des individus indépendamment de leur origine, de leur condition, de leurs convictions et croyances, de leur sexe. Chacun doit pouvoir faire ce qu’il veut, ressentir qui il est, tant qu’il ne nuit pas aux autres, à la décence commune, aux dispositions d’ordre public.

La France, par sa démocratie libérale, ses idéaux républicains, sa tradition judéo-chrétienne, son esprit des lumières, ses fondations liés au droit romain et la logique aristotélicienne comme à la pensée grecque, peut être le pays du sursaut pour combattre les nouveaux ennemis de la liberté et défendre une certaine idée de l’humanité. L’esprit français, mélange de principes, d’humour, parfois d’une insolence souriante, est à cultiver. Il se traduit par une forme absolue d’élégance : le panache. C’est-à-dire l’esthétique, y compris dans la défaite, l’autodérision qui n’empêche pas l’ambition, la beauté dans le geste tourné vers sa propre exigence et vers l’autre. Ce panache que définissait ainsi Edmond de Rostand lors de sa réception à l’Académie française :« Ah ! le panache ! Voilà un mot dont on a un peu abusé, et sur le sens duquel il faudrait bien qu’on s’entendit. Qu’est-ce que le panache ? Il ne suffit pas, pour en avoir, d’être un héros. Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle. C’est quelque chose de voltigeant, d’excessif et d’un peu frisé. Si je ne craignais d’avoir l’air bien pressé de travailler au Dictionnaire, je proposerais cette définition : le panache, c’est l’esprit de la bravoure. Oui, c’est le courage dominant à ce point la situation qu’il en trouve le mot. Toutes les répliques du Cid ont du panache, beaucoup de traits du grand Corneille sont d’énormes mots d’esprit. Le vent d’Espagne nous apporta cette plume ; mais elle a pris dans l’air de France, une légèreté du meilleur goût. Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. Certes, les héros sans panache sont plus désintéressés que les autres, car le panache, c’est souvent, dans un sacrifice qu’on fait, une consolation d’attitude qu’on se donne. Un peu frivole peut-être, un peu théâtral sans doute, le panache n’est qu’une grâce ; mais cette grâce est si difficile à conserver jusque devant la mort, cette grâce suppose tant de force (l’esprit qui voltige n’est-il pas la plus belle victoire sur la carcasse qui tremble ?) que, tout de même, c’est une grâce que je nous souhaite ».

Vive la liberté,

Vive Cannes,

Vive la république,

Vive la France ! »

David Lisnard.

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