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Allocution officielle de David Lisnard.

« Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

« La voilà donc enfin l’heure bénie pour laquelle nous vivions depuis quarante-sept ans ! – quarante-sept ans pendant lesquels n’a cessé de retentir en nos âmes le cri de douleur et de révolte de Gambetta, de Jules Grosjean et des députés d’Alsace-Lorraine, celui de Victor Hugo, d’Edgard Quinet et de Georges Clemenceau, quarante-sept ans pendant lesquels l’Alsace bâillonnée n’a cessé de crier vers la France ! Un demi-siècle ! Et demain nous serons à Strasbourg et à Metz ! Nulle parole humaine ne peut égaler ce bonheur ! ».

Ces mots enthousiastes sont ceux de Paul Deschanel, alors Président de la Chambre des Députés, le 11 novembre 1918.

Quelques heures après la signature de l’armistice dans le wagon spécial du généralissime Foch, au carrefour de Rethondes, en pleine forêt de Compiègne, le soulagement gagne les bancs de l’hémicycle, et bientôt celui de tout le territoire de France.

Aujourd’hui, devant le monument aux morts cannois sculpté par Albert Cheuret, nous voilà réunis à l’occasion du 104e anniversaire de l’armistice, et donc de la fin de la Première Guerre mondiale.

Permettez-moi d’ailleurs, en ce lieu, de saluer l’initiative du maire de Saint-Sériès, dans l’Hérault, Pierre Griselin, qui a inauguré il y a quelques jours, en présence de Patricia Mirallès, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire, un monument aux morts.

C’est un signal fort et un acte inédit, qui n’avait pas été entrepris depuis de très longues années dans notre pays.

La fin de la Première Guerre mondiale, disais-je donc, une guerre longue et douloureuse arrivait ainsi à son terme.

Elle avait endeuillé, dans une singulière violence, nombre de familles qui, jamais, n’ont oublié le sacrifice suprême des maris, des pères, des fils de France.

Plus de 9 millions de morts, une hécatombe qui fait du premier conflit mondial de l’histoire le plus cruel pour les militaires.

C’était évidemment trop pour que l’on se jure, alors, qu’il s’agissait de la « der des der ».

Sigmund Freud, dès 1915, dans ses Considérations actuelles sur la guerre et la mort, avait bien souligné le nouveau rapport au trépas qui émergeait de la guerre mondiale :

« Cette relation à la mort, qui est la nôtre, exerce une forte influence sur notre vie. La vie s’appauvrit, elle perd de son intérêt, dès l’instant où dans les jeux de la vie il n’est plus possible de risquer la mise suprême, c’est-à-dire la vie elle-même ».

Dans la meurtrissure des tranchées, les poilus, héritiers des grognards d’Austerlitz, ont risqué, sans hésiter, la mise suprême et en grand nombre.

Nous tous, ici, avons forcément un ancêtre qui connut l’horreur de ce tombeau géant, de Liège à Namur, des plaines de Verdun à celles de Château-Thierry.

La barbarie, la cruauté, la sauvagerie dans toute son absurdité.

Les progrès technologiques en matière d’artillerie, comme le tir de barrage, à la bataille Neuve-Chapelle ou encore l’emploi d’armes chimiques, comme le gaz moutarde à Ypres, en parfaite violation des conventions de la Haye, ont achevé d’établir l’inédite brutalisation de ces quatre années sanglantes.

Les hommes ont vu alors combien le progrès pouvait nuire, tuer, annihiler, et qu’il fallait donc ne jamais en être prisonnier.

Ajoutant aux répercussions purement physiques le fort impact moral sur les troupes, de part et d’autre du front :

« Je me lève, je suis très calme. Les mois et les années peuvent venir. Ils ne me prendront plus rien. Ils ne peuvent plus rien me prendre. Je suis si seul et si dénué d’espérance que je peux les accueillir sans crainte », écrivait, blasé, Erich Maria Remarque dans A l’Ouest rien de nouveau.

Le rapport à la vie comme à la mort, l’absence de perspective sur l’issue de cette boucherie à ciel ouvert : tout, dans les esprits et dans les corps, se trouvait bouleversé, perturbé, marqué à jamais.

De cette guerre « totale », qui fut aussi « d’usure », une forme de nihilisme s’est progressivement instillée dans les consciences. 

Depuis Prométhée, Caïn, Epicure ou encore Lucrèce, la notion philosophique n’avait déjà plus de secret pour nous.

Entre 1914 et 1918, elle semble s’incarner et se réaliser de funeste manière, dans le quotidien des soldats vaillants, mais découragés, démoralisés, ne sachant pas quel but ils entendent poursuivre.

La victoire, oui, la paix, plus encore, mais à quel prix ?

Ne considère-t-on tous ces hommes, bien jeunes pour la plupart, que comme de la chair à canon ?

Devant l’allégorie de la Victoire, qui se trouve derrière moi, bardée de la palme des martyrs et de la couronne laurée, l’heure est à l’hommage aux différentes armes : artillerie, infanterie, marine et aviation.

Et à ceux qui les ont portées, haut et fort.

Devant Niké, l’heure doit être aussi, je le souhaite plus que tout, à l’espoir et à l’action pour que demeure une France forte de ses racines, consciente de ses atouts, parée aux défis contemporains et aux menaces qui pèsent sur elle, y compris intérieures.

L’espoir d’un XXIe siècle qui, à la différence du précédent, ne soit pas ensanglanté par des guerres impitoyables, ayant enfanté les pires immondices humaines, la Shoah étant la pire de toutes.

L’action résolue contre la post-vérité, le révisionnisme et la réécriture d’une histoire culpabilisante, déformée.

Il en va, ni plus ni moins, de la défense de notre civilisation.


Dans une récente tribune publiée dans le Figaro, faisant suite à l’agression d’une dame de 89 ans à Cannes le 29 août dernier par trois mineurs, co-écrite avec le pédopsychiatre Maurice Berger et l’essayiste Naima M’Faddel, nous avons rappelé le phénomène destructeur de

« décivilisation » qui menace notre unité, notre République, en somme notre nation dans ses fondements les plus solides. 

Une « décivilisation » caractérisée par la loi du plus fort, le non-respect pourtant dû à nos aînés et même de la vie humaine.

La négation même de la dignité, finalité, comme je le rappelle souvent, de toute action humaine. 

Le philosophe Emmanuel Kant avait si justement indiqué qu’elle était le principe éthique le plus fondamental de tous, « toute personne existant comme une fin en elle-même, et non pas simplement comme un moyen dont on pourrait user à son gré ».

Révérence, respect, honneur et mémoire doivent guider chacun de nos actes.

C’est aussi parce que nous sommes soucieux de ces valeurs qu’il importe de dire à nos morts, et à ceux qui entretiennent la flamme de leur dévouement plein et entier pour le pays, qu’ils comptent, qu’on ne les oublie, et que nous leur devons une éternelle reconnaissance.

Abandonner l’Europe aujourd’hui aux velléités et agressions russes, ou demain l’impérialisme chinois, serait trahir nos morts.

Abandonner nos rues aux voyous et délinquants serait bafouer les sacrifices de nos aînés pour nous léguer un pays, sûr et digne.

Abandonner nos valeurs et nos principes serait trahir notre nation.

Ce faisant, comment comprendre, et plus encore accepter, le cirque qui, il y quelques mois, a débouché sur le déboulonnage de statues partout dans le monde ?

Une tribune d’historiens français avait si justement déploré que « l’anachronisme est un péché contre l’intelligence du passé ».

De quelle prétention, de quelle moraline peut-on donc être imbibé en se pensant, citoyen du XXIe siècle, autorisé à raser du passé ce qui n’est pas jugé acceptable ?

Quel est donc cette étrange odeur de déni, de déconstructionnisme qui flatte les bas instincts et avilit toute pensée critique ?

En ce début de XXIe siècle dont je parlais tout à l’heure, un cycle semble se terminer, tandis qu’un autre, dont nous devons être pleinement maîtres, paraît entamé. 

La fin d’un cycle, celui d’un siècle durement éprouvé dans sa chair par les totalitarismes et aspirant, plus que tout, à la paix des peuples.

Le début d’un autre, aussi inquiétant qu’encourageant.

Inquiétant car il voit se déployer de nouveaux totalitarismes, une dictature de l’être, de la pensée, de ce qu’il est prétendument bon ou pas de faire ou de ne pas faire.

La sphère privée est rognée, la propriété attaquée, la liberté d’actions diminuée.

Bureaucratie et conformisme d’un côté, matrice totalitaire de l’extrémisme de l’autre, considérations attaquant notre intimité, jusqu’à nous dire à quelle température nous chauffer, comment nous habiller, ou quand une députée, adepte de la polémique, dit au nom de l’écologisme et d’un prétendu féminisme, que tout est politique, même la vie privée.

C’est beaucoup plus grave qu’il n’y paraît.

Car il n’y a pas de démocratie, donc de liberté, sans respect de la sphère privée.

Inquiétant, aussi, de voir que cette gangrène nuit à  la réflexion et à la raison critique, en France comme ailleurs, inhibant les initiatives personnelles, excluant ceux qui ont le malheur de penser autrement, différemment.

Cette gangrène tue.

Dans sa réaction à la fin de l’histoire proclamée par Fukuyama, qui voyait dans la fin de la guerre froide la victoire idéologique du libéralisme et de la démocratie, Samuel Huntington avait quelque peu nuancé le constat enthousiaste de son confrère.

En effet, la disparition des grandes idéologies, pour l’essentiel mortifères, du XXe siècle pouvait en appeler d’autres, légitimant l’appétit de puissance de quelques groupes sociaux dits « minoritaires », mais particulièrement puissants dans leur action quotidienne.

Ce phénomène, en France comme dans le monde, nous l’observons, nous le subissons.

Et il est dangereux. Liberticide.

Toutefois, ce nouveau cycle, je le disais, est également encourageant.

Encourageant car les progrès scientifiques sont phénoménaux, la médecine avance – pensez à la vermine, aux poux et autres bactéries qui pullulaient dans les tranchées ! –, les nouvelles technologies – à condition de n’y être pas aliéné – offre des possibilités que jamais nous n’aurions imaginé, il y a trente ans.

Nous ne pouvons, et ne devons pas être pessimistes.

Notre devoir est d’agir pour l’avenir.

Nous devons être conscients des sacrifices et de la dureté de vie de ceux qui nous ont précédés !

Les morts d’hier ne doivent pas l’avoir été pour rien.

Le caprice comme le défaitisme ne peuvent être des lignes de conduite pour celui qui veut voir son pays à son juste niveau.

Cela est encore moins possible quand on a la conscience de ce que signifie risquer sa vie pour celui-ci. 

Il s’agit là d’un puissant courage, dans la forme la plus aboutie de l’existence.

Demeurons des vigies déterminées face aux dangers qui minent notre cohésion.

Ne laissons pas l’avenir aux rabougris, aux haineux, aux envieux, aux nostalgiques.

Incarnons-le, soyons-en les acteurs résolus, sur le socle de nos valeurs communes.

En fidélité à tous nos aïeux, en respect pour leur sacrifice, en souvenir de ce qu’ils laissent à la postérité, et pour l’éternité, nous retrouver aujourd’hui prend tout son sens.

Pour nos vaillants soldats, pour nos valeureux combattants, pour notre solide République, pour la France belle et éternelle.

Gloire éternelle à nos poilus !

Vive Cannes !

Vive la République !

Vive la France ! » David Lisnard.

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