
Retrouvez la chronique de David Lisnard pour L’Opinion.
« Dans une démocratie bien ordonnée, c’est à l’Etat d’être vigilant, car la société que nous voulons, c’est-à dire une société d’individus libres, doit être non pas une société de vigilance, mais de confiance »
Le « narratif », comme on dit aujourd’hui, était presque parfait. A la suite du drame de Romans-sur-Isère, « l’ultra-droite » était devenue en quelques jours la menace principale pour notre société, l’ennemi à abattre en priorité et la cible d’un gouvernement et d’une justice passée d’une prudence de sioux à une rigueur soudaine et, enfin, implacable. Et, tandis que les contorsions rhétoriques coutumières pour nommer les agresseurs le cédaient à la surenchère de l’opprobre, les condamnations à la prison ferme tombaient comme à Gravelotte sur les nazillons.
Peu importait que les chiffres élémentaires démentissent clairement ce retour annoncé (espéré par certains ?) des « heures sombres de notre histoire » : 1 300 fichés S d’ultra-droite contre six fois plus de radicalisés islamistes susceptibles de passer à l’acte et, donnée curieusement tue par les principaux médias, 3 000 individus fichés d’ultra-gauche ; quinze attentats islamistes ayant hélas abouti depuis 2017 contre zéro pour l’ultra-droite. Zéro mort encore venu de ce côté-là contre plus de 270 tombés sous les coups du terrorisme jihadiste depuis 2012.
Las ! Dimanche soir, à Paris, aux alentours du pont de Bir-Hakeim, en même temps qu’un touriste allemand perdait la vie sous le énième couteau d’un énième fanatique, ce « narratif » providentiel se brisait sur la réalité. Et puisque l’époque est aussi au mot « ultra », ce n’était pas la menace – qu’il ne s’agit pas ici de nier – de l’ultra-droite dénoncée urbi et orbi, mais l’ultra violence de l’islamisme qui est venue tragiquement rappeler son ultra-réalité. Puisque selon le mot prêté à Jacques Lacan, « le réel, c’est quand on se cogne ».
C’est la réalité du vrai péril jihadiste, que les esprits lucides ne cessaient de rappeler.
Déni. C’est la réalité de l’impuissance publique, dramatiquement confessée (le remarque-t-on assez ?) par nos gouvernants eux-mêmes quand ils cherchent à diluer leur propre responsabilité dans un prétendu « échec collectif », dont on voit mal en quoi les Français, qui réclament à cor et à cri (en vain) un changement radical de politique pénale, pourraient être partie prenante ; ou, pire, quand les mêmes vont jusqu’à transférer cette responsabilité première de l’Etat qu’ils ont en charge, à la société, sommée d’être désormais « vigilante ». Or, dans une démocratie bien ordonnée, c’est à l’Etat de l’être, car la société que nous voulons, c’est-à dire une société d’individus libres, doit être non une société de vigilance, mais de confiance ; nos dirigeants doivent avoir conscience qu’en démocratie, le désordre et l’impuissance publique sont liberticides.
C’est encore la réalité du déni, hélas toujours persistant au sommet même de l’exécutif où, malgré la signature immédiatement flagrante et établie de ce dernier acte jihadiste, aussi bien le chef de l’Etat que la Première ministre n’ont encore pas su, dans leur première réaction, associer le mot « islamiste » à celui de « terrorisme ».
C’est la réalité de la diversion, encore et toujours : après « la faute à la stigmatisation » puis « à l’ensauvagement », c’est désormais « la faute à la psychiatrie », si l’on en croit le ministre de l’Intérieur.
C’est enfin, la réalité de la complaisance – voire davantage – vis-à-vis de l’islamisme manifestée par une extrême gauche, résolue, semble-t-il, à descendre, marche par marche, l’escalier de l’ignominie.
Et, au cours de cette « séquence de communication » qui semble avoir remplacé, chez nos gouvernants, l’agenda politique, mention spéciale doit être faite, parmi toutes les ruses rhétoriques employées, du raisonnement circulaire qui est la traduction syllogistique du « en même temps » macronien.
Social-étatisme. Pas assez de places de prison ? Eh bien, emprisonnons moins et libérons vite les délinquants ! Expression parmi d’autres de l’échec du social-étatisme qui parvient, en même temps, à sur-dépenser et à sous-équiper les missions essentielles, en même temps à entasser de façon scandaleusement indigne les détenus dans les cellules (surpopulation carcérale) et à sous-incarcérer les voyous (taux d’incarcération en France nettement en dessous de la moyenne européenne), la pratique pénale s’adaptant à la pénurie carcérale, ce qui génère de l’arbitraire donc de l’injustice ; et renforce l’explosion de la délinquance. Mais, voilà, pas assez de place de prison.
Pas assez de places en psychiatrie ? Or, nous acceptons par dizaines de milliers des malades psychiatriques étrangers (pris en charge par la large couverture de l’aide médicale d’Etat. Résultat : encore moins de places disponibles en psychiatrie.
L’on pourra, comme ne manque pas de le faire le gouvernement lui-même, multiplier ce raisonnement circulaire à l’infini, dans le pays où nous manquons de production industrielle et où la consommation s’essouffle, mais où nous bénéficions avec nos impôts du conseil des nouveaux « dévendeurs » (sic) de la parole officielle.
Comment dès lors, devant tant de dissonances cognitives suscitées par le discours dominant, s’étonner d’une autre « ultra-réalité » : celle de l’ultra-exaspération de nos concitoyens, qui, de sondage en sondage, marquent une défiance croissante vis-à-vis de ses dirigeants comme de la justice ?
Car le peuple français, dans son immense majorité, ne vit pas dans « l’ère de la post-vérité ». Insensible aux sirènes relativistes et à l’inversion victimaire du wokisme, il n’achète plus les narratifs changeants du tournez-manège de la communication politique.
« Compétence morale ». Car il voit ce qu’il voit. Il voit que, dans l’explosion de cette ultra-violence, ce sont trop souvent les mêmes victimes. Trop souvent, les mêmes coupables. Et trop souvent, le même mode opératoire dans le retour terrifiant et, lui bien réel, du temps des « longs couteaux ».
Car ce vieux peuple à la longue culture démocratique dispose, pour distinguer les vessies des lanternes, d’une vraie « compétence morale », selon la belle expression et la puissante analyse du regretté Raymond Boudon dans une note publiée par la Fondation pour l’innovation politique en 2010.
Cette « compétence morale », qui sait distinguer l’apparence de la réalité et le discours des faits, est tout simplement la traduction de l’adage : si l’on peut tromper tout le monde un certain temps, on ne peut tromper tout le monde tout le temps. Et ceci est une ultra-vérité pour qui connaît un peu notre peuple. Ainsi va la France.

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Ils sont 10 000 maires attendus pour le traditionnel congrès de l’Association des maires de France (AMF), qui s’ouvre ce lundi et pour trois jours à la porte de Versailles à Paris. Plus que jamais, alors que les tensions se multiplient dans la société française, accentuées par le chamboulement géopolitique mondial, les édiles sont en première ligne. Candidat à un nouveau mandat de trois ans à la tête de l’AMF, le maire (LR) de Cannes, David Lisnard, qui vient par ailleurs d’installer le siège de son mouvement Nouvelle Énergie à Paris, répond aux questions du Point.
Le Point : Dans quel état d’esprit les maires abordent-ils ce nouveau congrès ?
David Lisnard : Le thème du congrès parle de lui-même : « Communes attaquées, République menacée ». Chacun ressent, au vu du contexte de ces dernières semaines et derniers mois, que notre nation est en danger dans ses fondamentaux républicains. Les maux se multiplient : violences, délitement civique, antagonisme identitaire, antisémitisme, insécurité culturelle, le tout combiné aux menaces extérieures et troubles géopolitiques, avec, parallèlement, la nécessité cruciale de relever les défis écologiques, numériques, économiques, démographiques. Les communes sont la dernière institution qui rassemble et crée du sentiment d’appartenance, mais elles sont fragilisées par la perte de pouvoir des maires.
Constatez-vous une contagion des tensions internationales dans vos communes ?
Cela dépend des communes. Le phénomène de tension que vous évoquez, qui se traduit notamment par des manifestations dites « propalestiniennes » ou des expressions antagonistes dans les espaces publics, se concentre surtout dans les grandes zones urbaines. S’agissant de l’antisémitisme qui se révèle dans ce contexte, chacun sait, hélas, qu’il y a eu près de quatre fois plus d’actes antisémites depuis le 7 octobre que durant toute l’année 2022. Donc, oui, on ressent des tensions et on se dit que nous marchons sur un fil. D’où le caractère irresponsable des déclarations incendiaires de quelques dirigeants politiques de la gauche radicale.
A-t-on suffisamment fait pour combattre les émeutes urbaines de l’été dernier ? A-t-on pris le mal à la racine ? Craignez-vous de nouvelles émeutes ? Cette crainte pèse-t-elle sur l’action de l’exécutif ?
Je crois que l’exécutif a peur de nouvelles émeutes. Mais rien n’est pire que de vouloir transiger pour acheter la paix sociale. Cela ne fera que reculer des échéances douloureuses. Il y aura d’autres émeutes. La question est de savoir quand et si les voyous utiliseront cette fois les armes automatiques qui pullulent dans certains quartiers dans les mains de dealers. Il faut au sommet de l’État de la constance dans les mots et de la cohérence dans les actes. Et inversement.
La crise des vocations de maires s’aggrave-t-elle ? Pour quelles raisons ?
Oui, essentiellement à cause des difficultés croissantes à pouvoir agir, auxquelles s’ajoutent tous les phénomènes de violences et de délitement civique que j’évoquais avant. Dans l’étude que nous avons conduite avec le Cevipof, nous observons que les démissions s’accélèrent : 350 par an lors de la précédente mandature ; 450 par an depuis 2020. Cela fait une moyenne de 40 démissions par mois. La hausse des incivilités, de façon générale, mais aussi à l’encontre des maires, dans la rue, sur Internet et maintenant jusque chez eux ou à l’endroit de leurs proches, pousse à hésiter voire renoncer à s’engager. Le renoncement par la menace ou la peur est inacceptable en démocratie. Nous devons être intransigeants.
Une réforme de la décentralisation est-elle à l’ordre du jour ? Dans quelle direction devrait-elle s’orienter ?
La décentralisation, c’est un peu l’Arlésienne du président de la République. Un coup, c’est inutile, un coup, c’est une priorité. En octobre 2022, il annonce qu’il va « ouvrir un nouveau chapitre de la vraie décentralisation » puis en novembre 2022, il explique que « la décentralisation n’a jamais réglé aucun problème ». Aujourd’hui, il confie une mission à Éric Woerth sur le sujet. Comme toujours, l’AMF sera présente et fera part de ses propositions pour enfin avancer sur cette question centrale, car l’organisation des pouvoirs publics, collectivités locales mais aussi services déconcentrés de l’État, est au cœur de la crise que nous traversons, qui est une crise de l’exécution. En rendant du pouvoir d’agir aux élus locaux, en leur faisant confiance, en les responsabilisant, donc en leur offrant une liberté d’action plus grande, nous irons vers davantage d’efficacité dans l’action publique, donc de défense des contribuables et de meilleur service aux usagers. Pour retrouver du sens et de la performance, il faut remplacer la bureaucratie par la démocratie locale.
Emmanuel Macron ne viendra pas s’exprimer devant les maires, une fois de plus. Comment interprétez-vous cette absence ?
Je n’interprète rien, d’autant plus que nous n’avons rien demandé. C’est Emmanuel Macron lui-même qui avait annoncé qu’il viendrait chaque année. En tout état de cause, il s’agit du congrès des maires et non celui de l’Élysée. Le gouvernement sera largement représenté avec la Première ministre et une quinzaine de ses ministres. Les présents auront raison d’être là pour prendre le pouls de la France réelle.
Qu’auriez-vous aimé lui dire ?
Que le temps est venu de faire confiance aux maires. Dans les actes.
Un maire à la tête de la France en 2027 ferait-il mieux ? Et pourquoi ?
Il serait démagogique d’affirmer que 35 000 personnes feraient mieux que le président actuel. En revanche, les maires sont des praticiens et ont une expertise de la proximité au contact direct des habitants. Ils partagent leur quotidien et sont connectés à la réalité humaine.
Vous êtes candidat ?
À la présidence des maires de France, oui. Pour le reste, nous ne sommes pas dans le temps de la présidentielle. Répondre par oui ou non à cette question serait soit alimenter un récit narcissique, soit se passer d’une caisse de résonance médiatique pour faire avancer mes idées. À quatre ans de l’élection présidentielle, le temps est à la construction d’un corpus reposant sur des principes. C’est par la constance des principes que nous rétablirons la confiance. C’est ce à quoi nous nous attelons avec mon parti, Nouvelle Énergie. Ici est le principal enjeu pour les années à venir : recréer de la confiance pour résoudre cette crise civique et sortir de ce choix mortifère entre des votes extrémistes et le techno-conformisme en proposant une alternance crédible et solide. En rupture avec le social-étatisme qui nous gouverne depuis 40 ans.
David Lisnard était l’invité de Face à Face, la matinale de BFM présentée par Apolline de Malherbe.

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Une tribune de David Lisnard pour Le Figaro.

« Tandis que le garde des Sceaux nous expliquait en 2020 que parler d’ensauvagement «renforçait le sentiment d’insécurité», le président de la République a déclaré hier en Conseil des Ministres qu’«aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes» et appelé à «travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation». Cette sortie, qu’elle corresponde à une tardive prise de conscience de la réalité ou bien qu’elle ne soit qu’un énième coup de menton d’un président expert en grandiloquence des mots, rejoint le constat que j’avais dressé en septembre dernier dans une tribune publiée dans Le Figaro , cosignée avec Naïma M’Fadel et le pédopsychiatre Maurice Berger. »
Pour lire la suite de la tribune, cliquez ici.
Une interview à revoir en intégralité.

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Le maire de Cannes, également patron de l’AMF, et la députée Alexendra Martin s’engagent et se mobilisent contre la délinquance des mineurs. Ils listent des mesures parmi lesquelles la responsabilité pénale des titulaires de l’autorité parentale.

Retrouvez l’article de France Bleu Azur en cliquant sur la photo ci-dessus ou sur ce lien.
Une tribune parue dans Le Figaro jeudi 21 juillet 2022.

« On est le pays qui multiplie les tâches sur-administratives. Moins l’Etat protège les Français, plus il entrave les Français. On est la République des CERFA. On est fous de cette bureaucratie » David Lisnard.

Retrouvez le replay du passage de David Lisnard dans la matinale de RTL, mercredi 29 juin, sur notre page Facebook, en cliquant ici, ou en cliquant sur le lien ci-dessus.
