Les holdings dans la tempête

Le projet de loi sur la taxation des holdings est extrêmement nocif pour l’innovation, la création et le développement d’entreprises. L’Etat n’a pas à décider de la manière dont un entrepreneur dépense son argent, dénoncent Sophie de Menthon et David Lisnard dans une tribune parue dans Les Échos.

Economie le 21 octobre 2025
SDM
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Retrouvez cette tribune sur le site Les Échos en cliquant ici.

« Pendant ce temps-là… la folie administrative continue »

Le vide politique ne signifie pas vide administratif, loin de là. David Lisnard déplore l’incessante inflation normative, coûteuse pour la collectivité. Une tribune de David Lisnard parue dans Les Échos.

Décentralisation le 10 octobre 2025
LES ECHOS

Newton nous enseigne que, dans le vide, un corps en mouvement conserve toujours sa vitesse. Cette loi fondamentale n’est pas étrangère à notre administration publique. A l’heure où la France célèbre l’attribution du prix Nobel de physique à Michel Devoret, il nous faut reconnaître que les enseignements de la physique s’appliquent bien au-delà des frontières de cette noble discipline.

Dans le vide politique présent depuis le 9 septembre – date à laquelle nous avons eu notre dernier gouvernement – de nombreuses masses continuent de s’abattre sur nous, citoyens, entreprises, collectivités, avec la même célérité : les normes !

Nous aurions pu penser que l’atonie de l’exécutif aurait eu au moins un effet positif, une pause dans l’inflation des règles qui tombent sur la société civile. Or, pendant les trois semaines où s’est déroulée la tragicomédie de la constitution du gouvernement furtif de Sébastien Lecornu, de sécheresse normative il n’y en eut point. Ce déluge a continué de déferler sur la France. La folie administrative n’a même plus besoin de gouvernement !

27 textes réglementaires en un mois

Les maires, dont je suis, chargés d’en appliquer un grand nombre, sont les premiers témoins de cette inertie dans laquelle les normes nouvelles poursuivent leur folle trajectoire. En un mois, les collectivités territoriales ont vu s’abattre sur elles 27 textes réglementaires supplémentaires. « Décret relatif à la doctrine technique du numérique pour l’éducation », « décret relatif au calendrier d’autorisation et de renouvellement pour les établissements d’accueil du jeune enfant », « décret modifiant diverses dispositions relatives aux passeports et aux cartes nationales d’identité », « décret fixant le régime des redevances dues pour l’occupation du domaine public de l’Etat et de ses établissements publics par les ouvrages de transport et de distribution d’électricité »… Le cent-mille feuilles administratif est celui de nos codes.

Et tout comme chaque masse a son poids, chaque norme a son coût. La transposition de la directive sur la rénovation énergétique, imposant aux collectivités territoriales de rénover 3 % de la surface chauffée des bâtiments de plus de 250 m², est chiffrée à 10 milliards d’euros par an pour les collectivités par le Conseil national d’évaluation des normes.

Ce que l’on constate dans nos mairies est identique en entreprises et pour les particuliers. Si 27 nouveaux textes réglementaires concernant les collectivités ont été élaborés en trois semaines en l’absence de gouvernement de plein exercice, combien de nouvelles normes qui touchent directement les Français ont-elles été prises ?

La baisse des dépenses publiques est une nécessité absolue pour notre pays. Il faut en finir avec cette inflation et ce harcèlement textuels qui non seulement génèrent de nouvelles dépenses, mais en plus étouffent la création de richesses ; en finir avec le centralisme qui réglemente tout dans les moindres détails, puis à prévoir des nouvelles réglementations pour y déroger lorsque – surprenant – la règle détaillée ne parvient pas à être appliquée localement.

En finir avec le conformisme technocratique, qui consiste à penser que créer une norme, une procédure, ou un schéma directeur, c’est agir. En finir avec tous ces contrôles a priori qui empêchent les maires comme les entreprises de prendre la moindre initiative.

Décentraliser, vraiment

Il faut en finir avec toutes ces administrations et directions régionales de l’Etat, ni proches, ni loin, et les placer sous l’autorité du préfet de département : dépeupler les ministères et les agences pour repeupler les préfectures, supprimer des normes nationales, pour laisser les collectivités décider comment les lois s’appliquer.

En finir avec un Etat qui, à force de s’occuper de tout, ne parvient plus à assurer ses missions fondamentales. En finir avec un Etat-providence déjà mort mais toujours coûteux.

Libérons l’Etat de toutes ces missions qu’il s’inflige, et nous retrouverons de l’efficacité. Libérons les énergies locales, et nous sortirons du vide. Libérons la France de sa technocratie et nous éviterons le chaos.

 

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TRIBUNE – L’ambition du gouvernement de supprimer certaines niches fiscales a le mérite de révéler la complexité et l’absurdité de notre système, estime David Lisnard, qui propose des solutions concrètes pour simplifier l’impôt.

Évaluées à 85 milliards d’euros, les 474 niches fiscales répertoriées par Bercy résument à elles seules la complexité de notre système fiscal. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a récemment proposé d’en supprimer 10 %, dans le but de «récupérer» 8,5 milliards de recettes fiscales. Ce raisonnement purement arithmétique est une abstraction inopérante qui ignore les effets dynamiques du jeu économique. Le chiffrage est en réalité plus complexe, du fait des comportements et des effets en cascade induits par ces dispositifs. Additionner les niches surestime les recettes potentielles, alors que ces mécanismes visent souvent à atténuer la rigueur des taux de l’impôt.

L’idée a toutefois un mérite : révéler la complexité, les coûts et les inégalités générés par notre système fiscal. Instable, opaque, façonné sous la pression des groupes les mieux organisés, il est devenu incertain et illisible, au détriment de la sécurité juridique des contribuables. Les systèmes fiscaux les plus justes sont fondés sur une assiette large, des taux modérés et une législation qui soit la plus uniforme et la moins discriminatoire possible. Le nôtre cumule taux élevés et exceptions à foison, affaiblissant égalité devant l’impôt, rendement de celui-ci, efficacité économique et simplicité administrative.

«Privilège suppose quelqu’un pour en jouir et quelqu’un pour le payer», écrivait Frédéric Bastiat. Le succès politique des niches fiscales s’explique précisément par cette asymétrie : elles bénéficient à quelques-uns de manière visible, tandis que ses coûts sont invisibles et diffus à l’échelle de la collectivité. Le contribuable, attentif à ses propres avantages fiscaux, oublie qu’il finance ceux des autres. L’impôt sur le revenu illustre cette dérive : 175 niches fiscales pour plus de 42 milliards d’euros de pertes de recettes potentielles, soit près de la moitié des recettes attendues cette année (94 milliards). Deux foyers aux revenus comparables peuvent, selon leur maîtrise de l’ingénierie fiscale, payer des montants très différents.

Par clientélisme ou démagogie, l’État multiplie les distorsions. Il affiche un barème hyperprogressif, puis tente d’en corriger les effets par des niches ciblées. Résultat : un système illisible, coûteux, inéquitable et défavorable à l’activité. Mieux vaudrait simplifier l’impôt : réduire les taux marginaux et supprimer de nombreuses niches. Ce double mouvement renforcerait le rendement, la clarté et la liberté économique.

Des marges de simplification substantielles existent également en matière de TVA. Conçue comme un impôt neutre, peu perturbateur des choix d’investissement, la TVA perd cette qualité à mesure que l’on multiplie les taux réduits. La France applique aujourd’hui près d’une centaine de mesures dérogatoires, pour un coût estimé à plus de 45 milliards d’euros : malgré un taux normal de 20 %, le taux effectif est inférieur à 10 %. Ce manque à gagner est compensé par une fiscalité plus lourde sur le travail et sur le capital, dont les effets désincitatifs sont bien documentés. Une simplification vers une structure à deux taux — 12,5 % et 20 % — permettrait de réduire d’environ 25 milliards les charges pesant sur le travail, tout en améliorant l’efficacité du système.

Les taux réduits, en plus de leur complexité pour les entreprises, ont une efficacité économique et sociale marginale. Les prix résultent toujours de la rencontre entre l’offre et la demande, et non d’une volonté politique de soutien ciblé à tel secteur ou à telle catégorie. Les querelles autour des taux applicables à la margarine ou aux diverses formes de chocolat illustrent l’absurdité du système. Le Danemark, qui ne connaît aucun taux réduit, montre qu’une fiscalité claire peut financer la protection sociale. La production précède la redistribution, et non l’inverse.

Là est tout l’enjeu de la réforme à mener : mettre la fiscalité au service de la prospérité en faisant, impôt par impôt, la chasse aux distorsions inutiles. Aucune réforme fiscale ne réussira si elle ne s’accompagne pas d’un changement de philosophie de l’impôt qu’il faut cesser de voir comme un instrument de conditionnement social ou de réparation politique, pour le concevoir enfin comme ce qu’il doit être, à savoir un moyen clair, stable et efficace de financer l’action publique, sans infantiliser ni matraquer ceux qui créent de la valeur. Cela suppose aussi de rationaliser les taux de TVA, afin de mobiliser un impôt à fort rendement et à faible coût économique. L’économie n’est pas un jeu à somme nulle et aucune réforme n’améliorera la productivité et donc le niveau vie des Français en opérant des changements d’assiettes à pression fiscale équivalente. Il est temps d’en finir avec le bonneteau fiscal.

Il faudra, pour que l’investissement productif soit stimulé et pour que le travail paye enfin, parallèlement à la baisse des dépenses et des cotisations sociales, s’attaquer à la surtaxation du capital et à la trop forte progressivité fiscale sur le revenu. Ce n’est pas seulement notre compétitivité qui est en jeu, mais notre capacité à retrouver un contrat fiscal fondé sur la confiance et la responsabilité, au lieu de l’éparpillement, de la défiance, du capitalisme de connivence et des petits calculs clientélistes. Simplifier l’impôt, c’est assainir la relation entre l’État et les contribuables et faire de l’intelligence des citoyens et de leur liberté d’action un levier de prospérité.


Retrouvez la tribune de David Lisnard en accès libre sur le site du Figaro en cliquant ici.

Retrouvez la chronique de David Lisnard pour l’Opinion.

David Lisnard alerte le gouvernement sur la tentation de lever de nouveaux impôts sur le dos des collectivités. Il revient aussi sur la situation à droite à deux ans de la présidentielle de 2027. Une interview parue dans Le Parisien, dimanche 4 mai. 

David Lisnard est revenu sur le rôle de l’Etat lors du colloque de L’IREF.

David Lisnard salue le réveil du gouvernement, mais selon lui, sans réforme de fond et sans rupture avec le déni, la maîtrise de la dépense publique restera un mirage. Une tribune à retrouver dans le JDNews. 

Réjouissons-nous : le gouvernement semble enfin prendre conscience de l’ampleur du désastre budgétaire et sortir du déni entretenu depuis des années au plus haut sommet de l’État. Sommes-nous pour autant sortis des postures, des discours et des effets d’annonce ? La convocation d’un « comité d’alerte » par le Premier ministre et l’annonce de 40 milliards d’euros d’économies sur le budget 2026 ne sauraient masquer la réalité : aucun plan crédible n’est sur la table. Et ce, pour une raison qui touche au cœur même de la matrice de l’État : tout comme elle complique jusqu’aux plans de simplification, la technocratie à la manœuvre rend impossible toute remise en cause réelle de la dépense publique.

Chaque tentative d’économie se traduit par de nouveaux impôts, de nouveaux dispositifs, de nouveaux acteurs publics, qui alourdissent le poids de l’État. On l’a bien vu avec le budget 2025 : quand le gouvernement annonce des économies, il s’agit d’augmentation d’impôts et d’un ralentissement de l’augmentation de la dépense, dépense qui atteint 1 695 milliards. Depuis 2017, la politique du « n’importe quoi qu’il en coûte », successivement attribué au Covid ou à la guerre en Ukraine, a conduit à une augmentation de la dette de 1 000 milliards, pour atteindre plus de 3 300 milliards : une progression de 46 %, quand la richesse nationale n’a crû que de 27 %.

Créer une spirale vertueuse

Dans le même temps, les autres pays européens ont maîtrisé leur endettement. Si nous nous étions contentés de suivre la trajectoire moyenne de la zone euro, nous aurions aujourd’hui 400 milliards de dette en moins et des charges d’intérêts divisées par deux. Pour financer cette dérive, l’État devra lever plus de 300 milliards sur les marchés financiers, après avoir déjà battu un record à 285 milliards en 2024. Comment prétendre défendre la souveraineté nationale si notre survie budgétaire dépend du bon vouloir de nos créanciers ? Dans ce contexte, les collectivités locales sont désignées comme les vilains petits canards de la dépense publique. Bien qu’elles doivent évidemment participer au redressement national et qu’il existe des collectivités mal gérées, ce procès est infondé.

L’État ne peut pas leur demander de dépenser moins, tout en leur imposant de dépenser plus : car on leur demande de doubler leurs investissements annuels à 20 milliards pour respecter les objectifs de la stratégie bas carbone, on leur impose la hausse du point d’indice des fonctionnaires, l’augmentation de 13 points (!) entre 2023 et 2028 des cotisations retraites à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour un coût supplémentaire de 1,2 milliard dès 2025 alors même que l’État y a déjà pioché 100 milliards depuis cinquante ans pour alimenter d’autres régimes déficitaires, des transferts de compétences non financés (gestion des digues, des routes, service public de la petite enfance), ou encore le fardeau du décret tertiaire, estimé à 5,2 milliards par an pendant dix ans. La réalité est simple : 19 % de la dépense publique relèvent des collectivités locales (34 % en Europe), contre 31 % pour l’État, tandis que les dépenses sociales représentent 50 %, soit près d’un tiers du PIB. La France dépense 260 milliards de plus que la moyenne de la zone euro pour des résultats inférieurs en matière d’éducation, de santé, de logement ou de sécurité.

À force d’entretenir l’illusion que l’on peut consommer sans produire, redistribuer sans créer, et prélever toujours plus sans fragiliser la compétitivité, nos dirigeants ont créé les conditions de notre décrochage économique et social. Cette situation est l’aboutissement d’un modèle social étatiste qui ruine le pays depuis plus de quarante ans, avec des prélèvements obligatoires entre 44 et 46 % du PIB qui, loin de rétablir l’équilibre, étouffent l’économie, freinent l’investissement, découragent le travail et affaiblissent l’innovation. Tout l’enjeu est de renouer avec une spirale vertueuse entre réduction massive de la dépense publique, déréglementation et allègement des impôts pesant sur les contribuables, pour sortir de l’effet descendant de la courbe de Laffer, car trop d’impôt tue l’impôt et finit par nuire au service public. C’est sur quoi nous travaillons avec Nouvelle Énergie, avec un plan d’économies de 200 milliards par an sur un quinquennat et une volonté de parvenir à 300 milliards. Mais ceci n’est qu’un moyen : l’objectif est de relancer la production de richesse pour, à terme, faire croître le PIB plus vite que les dépenses publiques et réduire durablement leur poids dans notre économie.

Pour cela, l’urgence est d’abord de réformer l’État pour réduire durablement la dépense et le rendre plus fort en réduisant son périmètre d’action. Cela passe par la suppression des agences inutiles, l’élimination des doublons, la réduction du millefeuille territorial, l’abrogation des normes qui paralysent l’initiative et la concentration des moyens sur les missions régaliennes, le respect de la subsidiarité ascendante, le transfert des pouvoirs réglementaires de l’État aux collectivités. Il nous faudra supprimer les 600 000 postes administratifs de trop, privatiser tout ce qui peut l’être, introduire de la concurrence dans le fonctionnement des administrations et collectivités, réduire les fonctions dites support, souvent productives de process contraignants, coûteux et inutiles, cibler le non-remplacement des départs en retraite, lutter contre l’absentéisme, et instaurer une culture de la responsabilité, indispensable dans l’administration.

En finir avec le rabot et l’impôt

En somme, moins d’État bureaucratique, plus d’État régalien. Moins de contrôle, plus d’action, moins d’administration, plus de liberté et de responsabilité. Cette réforme doit s’articuler avec une refonte de notre modèle social : allocation sociale unique plafonnée, lutte systématique contre la fraude. La convergence des régimes de retraite public et privé, la limitation de l’indexation des pensions élevées, la suppression de l’abattement fiscal de 10 % et l’introduction progressive d’un étage obligatoire de capitalisation indispensable pour garantir la pérennité du système. À ces réformes structurelles s’ajoutent des mesures immédiates : limitation de l’accès aux prestations non contributives aux seuls nationaux, suppression de l’AME, refonte totale de la politique du logement, rationalisation des aides aux entreprises, diminution des subventions aux associations, recentrage de l’Assurance maladie sur les soins essentiels sans remise en cause du principe de l’universalité des remboursements.

Ce plan de redressement n’est pas un catalogue de coupes budgétaires. Il faut en finir soit avec le laxisme budgétaire, soit avec le rabot et l’impôt. Il est temps de déployer une vision par missions, objectifs et gestion de projets, avec sens de l’exécution et évaluation au sein de l’État. Chaque économie doit se traduire par une amélioration du niveau de vie des actifs, un soutien à l’investissement productif et un renforcement des missions fondamentales de l’État. L’enjeu n’est pas financier. Il est existentiel. La France ne peut plus se payer le luxe du déni et de la procrastination. C’est non seulement possible, mais indispensable pour rendre à la France les moyens de sa prospérité et de sa liberté.

Retrouvez les 3 heures d’échange entre David Lisnard et Richard Détente, pour son podcast Grand Angle.

Dans cet entretien approfondi, tous les grands sujets qui préoccupent les Français sont abordés :

• La dette et les finances publiques : pourquoi l’État est techniquement en faillite
• La réforme de l’État : comment réduire drastiquement la bureaucratie
• La subsidiarité : le principe qui pourrait transformer notre pays
• L’énergie et le climat : pour une approche pragmatique et efficace
• La défense nationale : comment financer notre souveraineté David Lisnard partage également sa méthode éprouvée à Cannes, où il a réussi à réduire la dette tout en investissant davantage et en baissant les impôts.