« Le pire serait d’être les cautions d’un budget socialiste et dépensier »
Au nom de la cohérence et de l’intégrité, le président de Nouvelle Énergie invite Les Républicains à ne pas commettre « l’erreur stratégique » d’une participation au gouvernement Lecornu 2, qu’il perçoit comme les derniers soubresauts d’un macronisme responsable du chaos actuel. Un entretien à retrouver dans Le Figaro du 13 octobre 2025.
LE FIGARO. – Comment sentez-vous le pays au moment où Sébastien Lecornu dévoile son gouvernement ?
DAVID LISNARD. – Je constate ce que je ressens moi-même : une profonde exaspération, un sentiment de gâchis du pays et aussi une volonté chez de nombreux citoyens de trouver une solution. Mais les gens sont atterrés. Plus Emmanuel Macron est rejeté, plus il impose le macronisme. Tout ce qui se passe est extrêmement grave et insensé. On ne peut pas et on ne doit pas le banaliser, car la Cocotte-Minute est en train de monter en pression.
Pourquoi avez-vous qualifié le choix d’Emmanuel Macron de dangereux, alors que certains membres de votre famille politique ont applaudi sa décision ?
Car sa décision apparaît comme un déni de démocratie et une obstination incompréhensible. Il y a eu une défaite aux législatives, la réalité parlementaire est qu’il n’a plus le pouvoir, mais il persiste à nommer Sébastien Lecornu. Le pays se retrouve donc bloqué dans la spirale de l’échec et du délitement. Et la seule façon de sortir de la crise sera de passer par l’élection, et d’abord la présidentielle.
Les réponses de la droite vous semblent-elles à la hauteur ?
Quand les circonstances s’emballent, il faut être très solide et faire preuve de constance. C’est-à-dire tenir sur nos principes et nos convictions. C’est absolument nécessaire. L’enjeu n’est ni l’avenir de LR ni celui de la droite, mais la capacité à porter un projet de redressement national fort, puissant et raisonnable, sans laisser le monopole de l’alternative à la gauche gouvernée par l’extrême gauche, ou au RN. Et sans se fourvoyer dans l’échec de ce que nous avons toujours combattu. Avec Nouvelle Énergie, je vais proposer une initiative à toutes les forces de droite, d’Horizons à l’UDR : cinq à dix grandes mesures prioritaires sur lesquelles nous pourrions nous mettre d’accord pour redresser le pays. Retraites par capitalisation, forte baisse des dépenses, référendum pour couper le robinet de l’immigration, grande loi justice et sécurité, réforme complète de l’État et redressement de l’école. Il est temps d’écrire le scénario avant le casting.
Allez-vous quitter Les Républicains ?
J’avais indiqué depuis des mois qu’il ne fallait plus rester au gouvernement. Il n’y a pas de choix à faire entre participation et chaos, car le chaos est déjà là. Soit on appartient à un gouvernement dont on ignore les objectifs, en sachant qu’il sera tenu par des engagements destructeurs auprès du Parti socialiste, soit on reste à l’Assemblée pour voter des textes qui nous paraissent positifs, contrer ceux qui nous semblent négatifs et préparer le projet dont la France a besoin. Je suis toujours dans le même état d’esprit en notant aujourd’hui que la position de Bruno Retailleau, actée samedi, va dans le sens que j’indique. Mais, compte tenu des soubresauts internes, il est évident que si LR en venait à soutenir un gouvernement prêt à cautionner des mesures de dégradation des comptes publics, notamment sur les retraites, je ne resterais pas. C’est une question de cohérence et d’intégrité.
Mais certains élus LR ont rejoint le gouvernement Lecornu 2, en contradiction avec la décision du parti. La réaction de fermeté de Bruno Retailleau est-elle la bonne ?
Oui, et au-delà de sa réaction, c’est tout simplement le respect du fait majoritaire. Ces ministres se mettent eux-mêmes en marge des Républicains. On ne peut pas manger à tous les râteliers. Il est nécessaire d’adopter très vite une vraie stratégie et une vraie ligne politique. Si ce n’était pas là, comme je l’ai indiqué. Je prendrai mes responsabilités. L’enjeu est bien au-dessus de ces questions. Céder aux facilités immédiates c’est faire disparaître notre ambition de représenter un espoir pour le pays et d’animer un pôle fort. Je ne veux pas me résigner à ce que la droite et l’espoir d’une alternative forte soient emportés dans les derniers soubresauts du macronisme. La voie à suivre doit être celle de l’indépendance d’une droite réaliste. Le pire serait d’être les cautions d’un budget socialiste et dépensier, capable de remettre en cause la seule réforme de ce quinquennat catastrophique. Participer à ce gouvernement est une erreur stratégique et un renoncement.
Existe-t-il un risque de crise sévère chez LR ?
Oui, il y a un risque.
Pourquoi condamnez-vous certaines concessions, comme le principe d’une suspension de la réforme des retraites, parfois défendu à droite au nom de la responsabilité ?
Il serait paradoxal de mener la politique de la gauche pour éviter qu’elle n’arrive au pouvoir ! On y perdrait en clarté politique et l’on ajouterait au désordre d’une situation pathétique, en créant, de surcroît, une instabilité financière, économique et sociale. N’oublions pas que tout part des erreurs fondamentales du président de la République. Il dissout de façon incompréhensible pour éviter une censure et une dissolution six mois plus tard. C’est Gribouille qui se jette dans la Seine parce qu’il pleut ! Après les diagnostics de Michel Barnier et de François Bayrou sur la dégradation vertigineuse des comptes de l’État, nous devrions accepter d’accentuer ce problème pour ne pas créer une instabilité politique ? Mais nous serions dans une absurdité totale ! La seule sortie est l’arbitrage du peuple. La première instabilité, c’est Emmanuel Macron.
Lorsque vous dénoncez les socio-étatistes du spectre politique, pensez-vous aussi au parti LR ?
Oui. On l’a vu clairement lorsqu’il y a eu cette hystérie autour de la taxe Zucman, organisée par la gauche pour détourner l’opinion des baisses de dépenses pourtant nécessaires. C’est vrai de la gauche au RN.
La promesse d’un gouvernement incarnant le « renouvellement et la diversité des compétences », n’est-ce pas de nature à recréer de la confiance ?
Je n’ai jamais été dupe de la novlangue macronienne.
Combien de temps selon vous le gouvernement Lecornu 2 tiendra-t-il ?
Il tiendra seulement le temps que la gauche voudra qu’il tienne. J’ai le plus profond respect pour les moines-soldats, mais, au fil de l’histoire, ils n’ont pas toujours gagné la bataille du temps.
Propos recueillis par Emmanuel Galiero. Retrouvez cet article sur le site du Figaro en cliquant ici.
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de Nouvelle Énergie et David Lisnard