« Le discours écologiste devient un épouvantail à action environnementale »
ENTRETIEN – Pour David Lisnard, l’écologie punitive est contre-productive. Et de redire la nécessité de laisser le pouvoir d’agir à l’élu de proximité, en hiérarchisant les interventions à l’échelle nationale.
LA TRIBUNE DIMANCHE — Le mandat de maire est celui de la qualité de la vie, dites-vous… Que recouvre la « qualité de vie » ?
DAVID LISNARD — Le mandat de maire n’est pas que celui de la qualité de la vie, mais c’est avant tout celui de la qualité de la vie. C’est la maîtrise, la bonne tenue de l’espace public. Qu’il soit propre, sûr. C’est la bonne capacité de déplacement, faire en sorte que l’on puisse toujours y venir en voiture, tout en laissant la place au piéton, tout en développant le vélo et les transports publics. C’est donc de l’aménagement urbain.
Cela comprend l’accessibilité aux soins, la défense de l’environnement, la protection de la nature, la qualité de l’air. C’est aussi la solidarité locale. C’est nous, les maires qui recousons le tissu social, tous les jours. C’est, évidemment, créer un environnement positif pour l’activité économique, pour les entreprises qui créent de la richesse. Cela comprend également le développement d’une identité locale, des marques territoriales, ces entités connectées à un marché.
Le sondage IFOP, publié la semaine dernière dans La Tribune Dimanche, souligne que le climat est la dernière préoccupation des citoyens. Cela vous étonne-t-il ?
Dans mon action locale, en tant que maire de Cannes, cela reste une priorité très concrète. S’il y a eu un déclassement de ce centre d’intérêt, c’est pour deux raisons. D’abord, d’autres problématiques apparaissent de façon plus aiguë, comme la sécurité. Le déclassement de la France sécuritaire, économique, social, éducatif, démographique apparaît plus fort. Ensuite, malheureusement, la problématique climatique – et ce n’est pas faute de le dire est souvent défendue par des idéologues qui font des leçons de morale. Donc, ça énerve et ça éloigne du combat. Auparavant, on le théorisait moins, mais on parlait tout autant de l’environnement – certes, en n’employant pas les mêmes mots, mais nous étions attentifs aux problématiques du quotidien, au sort des dauphins, au goudron sur les plages… Le thème n’est pas apparu dernièrement.
Vous êtes assez remonté contre certaines mesures qui, selon vous, n’interviennent pas au bon moment…
Faire apparaître le combat environnemental comme une somme de mesures liberticides au détriment des plus modestes, comme la ZFE en est l’un des symboles, ou la Zéro Artificialisation Nette, est contreproductif. C’est également le cas du DPE, ce diagnostic de performance énergétique mis en place au moment même où les Français n’ont jamais autant eu de difficulté à se loger… Défendre la planète, par exemple, c’est sortir 40 % du parc des logements de Paris de la possibilité de louer ? Laisser en plan des propriétaires qui ne peuvent procéder aux travaux ? Comment cela peut-il rendre la cause populaire ? Bien sûr que nous sommes tous partie prenante de l’avenir de la planète ! Mais le discours écologiste devient un épouvantail à action environnementale. C’est tout le paradoxe.
Quelle serait la bonne méthode ?
Il faut hiérarchiser les choses, autrement on tombe dans un puritanisme écologique qui fait beaucoup de mal et ne sert à rien. Il faut ramener ces grands objectifs à des grandes politiques internationales, nationales et locales. Et, en matière énergétique, cela ne peut pas se régler au plan local, il doit y avoir une structure énergétique nationale, électrique. Il faut une colonne vertébrale unique qui soit pilotable, puissante, bon marché et décarbonée. Et cela, c’est le nucléaire et l’hydro-électrique.
L’amendement récemment voté qui taxe les plateformes touristiques comme Airbnb pour financer le fonds d’érosion côtier, cela vous paraît-il une bonne idée ?
Il y a un enjeu colossal sur le recul du trait de côte, puisque, avec le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, Ndlr), nous évaluons les besoins en financement, sur les sept décennies, à 100 milliards d’euros. On le voit dans certains régions atlantiques, méditerranées, aussi, un peu, en outre-mer… Ce qui est très troublant c’est que, jusqu’à maintenant, l’entretien des digues fluviales, la lutte contre les inondations, le recul du trait de côte n’étaient pas précisément définis dans l’action publique, mais apparaissaient en aménagement du territoire. Nous nous retrouvons désormais avec la responsabilité de cela sans décentralisation : on nous transfère des missions sans financements, ou alors très réduits.
Faut-il donc taxer les plateformes ?
Il faut bien qu’il y ait un fonds national, cela ne peut pas être à la seule charge des communes exposées. C’est insoutenable, d’autant que c’est là que l’on concentre le maximum de population. La nouvelle martingale, après celle de la TVA pendant dix ans, est celle de la taxe de séjour. Pourquoi ne pas faire participer le consommateur touristique à l’aménagement touristique ? Le système est plutôt pertinent. Mais, dans le contexte actuel de sur-fiscalité et en l’absence de remise en cause de l’architecture des pouvoirs publics, cela apparaît comme un impôt supplémentaire.
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de Nouvelle Énergie et David Lisnard