L’adoption du budget de la Sécu : le nouveau «n’importe quoi qu’il en coûte»

« Voilà où nous en sommes : des députés qui votent pour un texte qu’ils désavouent eux-mêmes » David Lisnard dans sa chronique pour l’Opinion.

le 11 décembre 2025
L'opinion

L’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 restera comme le symbole d’une capitulation politique. La réforme des retraites, présentée comme l’acte majeur du second quinquennat d’Emmanuel Macron, a finalement été suspendue au nom de la « stabilité ». Cette mesure, pour laquelle le gouvernement avait engagé sa responsabilité au printemps 2023, qui avait mobilisé toute son énergie pendant des mois, s’évanouit au gré d’un compromis parlementaire arraché entre la gauche, le Rassemblement national, des macronistes et autres députés complices du « bloc central ». Gabriel Attal produit le faux alibi : « Nous ne voulons pas nous mettre en travers du compromis qui a été trouvé par le Premier ministre avec le groupe socialiste. » Traduction : nous sacrifions un combat emblématique plutôt que de risquer la censure.

Et nombreux sont les parlementaires de la droite et du centre, malgré le courage de quelques-uns, qui ont contribué à l’adoption de ce texte. Voilà où nous en sommes : des députés qui votent pour un texte qu’ils désavouent eux-mêmes. Ce renoncement s’inscrit dans une série de capitulations budgétaires qui se soldent par un déficit officiel de près de 20 milliards d’euros et plus de 10 milliards d’économies abandonnées, auxquelles s’ajoute le coût de la suspension de la réforme des retraites.

Instrument électoral. Pour comprendre ce naufrage budgétaire, il faut revenir au 12 mars 2020. Emmanuel Macron déclare alors que le gouvernement mobilisera « tous les moyens financiers nécessaires pour sauver des vies, quoi qu’il en coûte ». Dans les premiers temps de la pandémie, cette doctrine se justifiait. Mais très vite, le « quoi qu’il en coûte » aurait dû céder la place à une gestion plus rigoureuse comme partout ailleurs dans le monde. Il n’en fut rien. Et plus l’élection présidentielle de 2022 approchait, plus cette doctrine s’est transformée en instrument électoral. Le « quoi qu’il en coûte » a muté en « n’importe quoi qu’il en coûte ». Chaque difficulté appelait une réponse budgétaire. Cette période a constitué une véritable martingale politique, un clientélisme d’Etat financé par la dette de nos enfants.

Depuis la dissolution de juin 2024, ce « n’importe quoi qu’il en coûte » a atteint son paroxysme. Le président de la République et son gouvernement pratiquent la politique de l’instant. Sans cohérence. Sans vision. Seul compte le fait de tenir et durer. Plus Emmanuel Macron perd en soutien populaire, plus il se cramponne au pouvoir.

Le vocabulaire employé par ce pouvoir finissant mérite qu’on s’y arrête. On invoque la « responsabilité » pour justifier l’augmentation des impôts. On parle de « stabilité » pour expliquer l’abandon de la réforme des retraites. Mais ces mots ont perdu tout contenu. La « stabilité politique » est devenue le grand alibi du système.

Qu’importent l’instabilité fiscale qui frappe les entreprises et décourage l’investissement, l’instabilité comptable qui plonge la Sécurité sociale dans un déficit abyssal, l’instabilité sociale qui multiplie les tensions, l’instabilité économique qui érode la compétitivité du pays. Qu’importent le sacrifice des actifs écrasés d’impôts et de charges, la trahison des générations futures condamnées à porter le poids d’une dette devenue insoutenable. Qu’importent les dépôts de bilan qui se multiplient, l’effondrement du niveau scolaire qui hypothèque l’avenir, les frontières passoires qui alimentent les flux migratoires incontrôlés, le délitement régalien qui livre des pans entiers du territoire au chaos. Qu’importe la réalité, pourvu qu’il y ait la stabilité des postes pour quelques-uns et, surtout, la stabilité du maintien à l’Elysée du principal responsable de ce désastre.

L’Assemblée nationale a adopté une hausse de la CSG sur les revenus du capital, ciblant spécifiquement l’épargne financière investie sur les actifs les plus risqués, c’est-à-dire précisément celle qui finance l’économie productive, l’innovation, la croissance.

Le sophisme politique l’emporte sur la logique économique. Plus l’investissement est risqué, plus il est producteur de valeur pour l’économie. Mais cette considération disparaît devant la lutte des places.

Inefficacité. Ce « n’importe quoi qu’il en coûte », on le retrouve partout. Dans le logement, où l’Etat distribue 43 milliards d’euros d’aides tout en empilant les normes qui paralysent la construction. Dans la santé, où la Sécurité sociale dépense 266 milliards mais où les urgences ferment. Dans l’éducation, où le budget atteint 90 milliards mais où le niveau s’effondre. Partout, des milliards engloutis. Partout, la même inefficacité. Partout, le même refus de s’attaquer aux causes structurelles des problèmes.
Pour arracher le vote du 9 décembre, le gouvernement a multiplié les pressions. Le 4 décembre, il transmettait aux députés la lettre du directeur de la Sécurité sociale détaillant les conséquences d’une absence de vote : un déficit qui pourrait dépasser 30 milliards d’euros, des coupes brutales dans les prestations familiales, le doublement des franchises médicales par simple décret. Sébastien Lecornu lui-même martèle que l’absence de texte conduirait à « 29 ou 30 milliards d’euros de déficit ». Nous en sommes là : un gouvernement qui fait du chantage à la catastrophe pour masquer son impuissance.

Pourtant, « en responsabilité », une autre voie existait. Alors que la France n’a plus de majorité capable de prendre les décisions nécessaires pour redresser ses comptes et œuvrer pour les jeunes générations, le président de la République aurait pu tirer les conséquences de la dissolution catastrophique de juin 2024 et annoncer sa démission pour redonner un élan démocratique au pays. Les gouvernements successifs auraient pu baisser véritablement les dépenses publiques, diminuer les cotisations sociales et augmenter ainsi le salaire net des Français. Ils auraient pu confirmer la réforme des retraites, ne plus toutes les indexer, préparer l’avenir en organisant le financement de la retraite par capitalisation, et se projeter vers 2050, en songeant aux jeunes générations qui devront affronter le vieillissement démographique. Car c’est cela, la noblesse de la politique : assumer une vision de long terme, prendre des décisions exigeantes aujourd’hui pour éviter le désastre demain, porter la responsabilité de l’avenir plutôt que de gérer les émotions de l’instant. Agir sans procrastiner.

Faux-semblants. Ce qui s’est joué cette semaine incarne tout ce qu’il fallait éviter pour acheter du temps de survie politique au prix de la dette et du sacrifice des actifs et des jeunes.

Nous ne sortirons de cette impasse qu’en brisant ce système fait de faux-semblants, de promesses creuses, de communication permanente qui tient lieu de politique. Cela exige de reconstruire une vision, un projet, une méthode sur le « comment », une ambition collective fondée sur le travail, la responsabilité individuelle, la rigueur budgétaire et l’investissement dans les générations futures. Le temps n’est plus aux demi-mesures ni aux reports électoraux. Il est venu le temps de choisir entre la stabilité des places et l’avenir de la nation. Ainsi va la France.

Capture d’écran . 2025-12-11 à 10.26.05

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de Nouvelle Énergie et David Lisnard