
Matthieu Creson, conférencier et enseignant, revient sur une « lettre ouverte au Premier ministre » coécrite par David Lisnard et Jacques Garello, parue dans le JDD du 12 janvier 2025, dans la Revue Politique et Parlementaire.
Le maire de Cannes et président de Nouvelle Énergie David Lisnard, ainsi que le professeur d’économie émérite à l’université Aix-Marseille et président de l’ALEPS (Association pour la liberté économique et le progrès social) Jacques Garello viennent de faire paraître dans le Journal du dimanche (12 janvier 2025) une « lettre ouverte au Premier ministre ». Son titre – « Moins d’impôts pour plus de croissance » – qui annonce dès l’abord la tonalité fondamentalement libérale du propos des deux auteurs, pourrait presque passer pour une provocation tant nous sommes habitués à lire ou à entendre dans notre pays qu’il faut « faire payer les riches » et les entreprises, afin de favoriser la « justice sociale ».
Une hausse des impôts n’est pas la solution.
Le point de départ de cette lettre ouverte est l’inquiétude exprimée quant à la possibilité de voir le gouvernement nouvellement en place faire globalement comme les gouvernements précédents, c’est-à-dire décréter de nouvelles augmentations d’impôts en croyant à tort pouvoir ainsi régler les problèmes budgétaires qui se posent actuellement à nous.
Les déficits se sont encore creusés ces dernières années et la dette publique a continué de s’envoler, phénomènes en partie imputables à la politique inconsidérée du « quoi qu’il en coûte ». Mais les causes de l’échec économique et fiscal français sont plus anciennes et plus profondes. « La réalité de la situation économique et budgétaire », écrivent les deux auteurs, « est le fruit d’un social-étatisme que nous subissons depuis plus de quarante ans et de la dangereuse facilité démagogique du ‘quoi qu’il en coûte’ voulu par le président de la République, qui a fait bondir la dette de 38% entre 2019 et 2024 quand le PIB ne progressait que de 20% sur la même période. » La solution délétère que constitue la hausse de la fiscalité serait ainsi d’autant plus malvenue que la dépense publique atteint 57% du PIB et que les taux de prélèvements obligatoires représentent 46% de ce même PIB, faisant déjà de la France l’un des pays les plus fiscalisés de la planète. Or un des problèmes induits par une fiscalité injuste et abusive est la désincitation à travailler, à produire, à épargner et à innover. David Lisnard et Jacques Garello écrivent ainsi avec raison : « Trop de Français qui travaillent, épargnent et entreprennent constatent (…) que leur activité n’est pas rémunérée à sa juste valeur. » La France pourrait certainement compter en son sein bien plus d’innovateurs et d’entrepreneurs de grand talent qu’elle n’en a actuellement si elle ne dissuadait pas, comme elle le fait, l’effort d’entreprendre à travers une fiscalité et des réglementations aberrantes et, par là même, contreproductives ! Contre-productives, car, comme nous l’a enseigné la fameuse courbe de Laffer, non seulement trop d’impôt tue les incitations à produire et à innover, trop d’impôt tue aussi l’impôt lui-même !
L’exemple néo-zélandais
Afin de mieux comprendre ce phénomène a priori paradoxal, permettons-nous ici un rapide petit détour par un exemple historique, que notre classe politique dans son ensemble serait d’ailleurs bien avisée de méditer sans préjugés : la Nouvelle-Zélande au milieu des années 1980, dont la situation n’est pas sans rappeler certains traits de la France de 2025. Marqué par un faible taux de croissance et d’importants déficits publics, le pays a alors opéré (à l’initiative d’un gouvernement travailliste !) un virage résolument libéral, fondé sur d’importantes baisses d’impôts et de la dépense publique, ainsi que sur une libéralisation et une déréglementation de l’économie. Moralité de l’histoire : la Nouvelle-Zélande a connu des résultats spectaculaires et a même accusé… un excédent budgétaire. (Voir Pascal Salin, Libéralisme, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 237.) Comme l’a déclaré par la suite l’ancien ministre néo-zélandais Maurice McTigue, « nous avons réduit de moitié le taux de l’impôt sur le revenu et supprimé un certain nombre de taxes annexes. Paradoxalement, les recettes de l’État ont augmenté de 20 %.
L’exemple néo-zélandais n’offre-t-il donc pas précisément les solutions aux problèmes actuels de la France en matière économique, fiscale et budgétaire ? Si la Nouvelle-Zélande a pu obtenir de remarquables résultats en menant à bien il y a quelque 40 ans d’audacieuses réformes (bien loin des réformettes auxquelles nous ont habitués les gouvernants français successifs, qu’ils fussent de gauche ou de droite), pourquoi la France ne pourrait-elle faire de même ? Elle le pourrait sans aucun doute, si elle ne subissait pas, comme David Lisnard et Jacques Garello l’ont rappelé, les conséquences (dans les faits comme dans les mentalités) de plusieurs décennies de socialo-collectivisme, dans lequel nous nous sommes confortablement installés et duquel il est par conséquent très difficile de s’extraire aujourd’hui. De très mauvaises habitudes intellectuelles ont été contractées au cours de cette même période dans notre pays, de sorte que lorsqu’un problème se pose à la société, on tend comme par réflexe à se tourner en priorité vers l’État afin qu’il le résolve à la place des individus –
Que faire ?
David Lisnard et Jacques Garello ne s’en tiennent pas dans leur « Lettre ouverte au Premier ministre » à des déclarations de principe, mais préconisent concrètement l’ouverture de plusieurs grands chantiers dans différents domaines :
• Il convient, disent-ils à juste titre, de « réduire le périmètre de l’État » – ce qui, précisons-le, ne signifie nullement vouloir le faire disparaître : on peut même plaider pour le renforcement de son action dès lors qu’elle se cantonne au strict domaine du régalien (police, justice, armée).
• Il incombe de « rationaliser les dépenses sociales ».
• Il faut en outre « instaurer la retraite par capitalisation ».
• Il importe aussi de « couper dans les 80 milliards d’euros annuels de dépenses liées aux 438 opérateurs de l’État, dans les 15 milliards d’aides publiques au développement, dans les 150 milliards d’aides publiques aux entreprises ».
Ajoutons qu’il faudrait aussi, à notre sens, privatiser nombre de services publics défaillants, mais aussi et surtout y introduire une véritable concurrence de manière à laisser le choix aux individus, qui pourraient ainsi certainement trouver des offres mieux à même de répondre à leurs besoins, et ce à un moindre coût. De même, faudrait-il abaisser substantiellement la pression fiscale sur les entreprises (et, redisons-le, supprimer la pléthore d’aides publiques dont nombre d’entre elles bénéficient, comme David Lisnard et Jacques Garello recommandent de le faire). Il faut aussi supprimer la progressivité de l’impôt sur le revenu, ainsi que les droits de succession et l’impôt sur la fortune immobilière (à travers lequel l’impôt sur la fortune subsiste en France) –, ainsi que l’ont déjà fait nombre de pays dans le monde.
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