« Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible »
David Lisnard réitère son appel à la démission d’Emmanuel Macron, livre son analyse du chaos politique et ouvre la porte à une discussion programmatique rassemblant toute la droite. Un entretien publié sur le magazine Valeurs actuelles.
Valeurs actuelles. Voilà plus d’un an que notre pays est plongé dans une crise de régime. Où va la France ?
David Lisnard. La France ne va nulle part, prise dans une impasse qui résulte d’une succession de mauvaises décisions du président de la République, aujourd’hui responsable du blocage du pays. Cette série d’erreurs a commencé au début de l’année 2024, lorsqu’il décide de remplacer Élisabeth Borne par Gabriel Attal à moins de six mois des élections européennes. En changeant de Premier ministre avant le scrutin, il s’est interdit de le faire après.
Bien qu’il eût annoncé, trois jours avant celle-ci, qu’il ne prononcerait pas la dissolution de l’Assemblée, il le fit, en choisissant le plus court délai possible pour l’organisation de la campagne législative, empêchant ainsi la tenue d’un véritable débat avec des projets nationaux à comparer. Il a en réalité organisé un référendum sur sa personne. Depuis, avec l’explosion façon puzzle de l’Assemblée nationale, le pays se retrouve coincé.
Si la France connaissait une forte croissance, des fondamentaux économiques solides, une immigration maîtrisée, un système éducatif performant, un hôpital en bonne santé, on pourrait envisager une période d’attentisme. La stabilité dans la réussite est une bonne chose. Ce n’est évidemment pas le cas.
Notre pays non seulement accentue son déclassement, mais s’approche de l’effondrement. Le déficit commercial – dont personne ne parle – atteint un niveau particulièrement élevé depuis l’arrivée du président de la République au pouvoir, contredisant ainsi son discours sur une compétitivité retrouvée. Et nous sommes à la fin de l’État providence. Il faut regarder la réalité en face.
Où vont Les Républicains ? Qu’avez-vous compris de la position de votre parti depuis dix jours ?
Personne ne sait où vont Les Républicains. La France a besoin d’une formation politique qui s’inscrive dans son époque, mais qui soit aussi l’héritière du libéralisme, du gaullisme et de la démocratie chrétienne. Sans doctrine ni stratégie commune, Les Républicains deviennent un simple syndicat d’intérêts électoraux, de plus en plus réduits, d’ailleurs. C’est la porte ouverte à tous les calculs individuels, au détriment du collectif.
Bruno Retailleau doit-il défendre l’idée d’une censure du gouvernement ?
Il est extraordinaire d’entendre qu’il faudrait soutenir un gouvernement dont le Premier ministre n’a défini aucune ligne directrice et qui est quand même le dernier des Mohicans macronistes. Et si je suis opposé à l’automaticité d’un soutien comme d’une censure, au moment où nous faisons cet entretien, nous apprenons la composition du gouvernement.
Quand on voit, par exemple, la présence d’une antinucléaire ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, rien que cela est un motif de censure. La droite doit se porter sur l’avenir et n’a pas à rejoindre le Titanic quand il coule.
Deux scénarios sont possibles. Soit le gouvernement tombe très rapidement, dans les prochains jours, et la question de la légitimité du président de la République – non pas institutionnelle, mais bien politique – se reposera, tout comme celle d’une éventuelle dissolution. Soit le budget est adopté. Mais ce n’est pas LR qui décidera.
Les rapports de force sont clairs : le parti pivot, c’est le Parti socialiste. Nous risquons ainsi de permettre l’adoption d’un budget d’inspiration dépensière, contraire aux intérêts de la France et de subir ensuite la dissolution. Si LR accepte ça, LR disparaît définitivement.
Que pensez-vous de l’attitude des macronistes et de certains LR, qui appellent votre parti à soutenir le gouvernement au nom de la “stabilité” ?
Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu, l’un de ses derniers fidèles, parce qu’il ne pouvait pas se nommer lui-même. Je récuse ce vocable et cette approche de la “stabilité”, comme je n’ai jamais cautionné le concept de socle commun ou de bloc central. C’est une erreur essentielle de diluer ce qui reste de LR dans la Macronie, au risque de tuer l’espérance d’une alternative forte et raisonnable à droite.
Au lieu d’une dissolution, vous appelez Emmanuel Macron à programmer sa démission dans six mois. Pourquoi ce choix ?
Il s’agit de retrouver l’esprit de la Ve République. La vraie solution n’est pas la dissolution. Cela fait un an que je le dis : il faut une présidentielle programmée et anticipée. La France a un système particulier, qui n’est pas celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne. C’est celui de la Ve République, et il fonctionne très bien. Ce n’est pas la règle institutionnelle qu’il faut revoir, mais la manière de gouverner. Et que parte celui qui bloque le pays.
Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’une démission du président de la République actuel entraînerait la fin de la Ve République en créant une sorte de jurisprudence ?
Lorsque le général de Gaulle démissionne, en 1969, il lui reste encore trois ans de mandat. Personne ne conteste alors sa légitimité juridique ; il détient même une légitimité historique. Et pourtant, le général de Gaulle estime qu’il n’a plus de légitimité politique, simplement parce qu’un an après des élections législatives triomphales, il perd de peu un référendum. Tout le monde n’est pas le général de Gaulle, bien entendu.
Lorsque le prédécesseur d’Emmanuel Macron, François Hollande, était président de la République, nombreux étaient ceux, notamment à droite, qui le jugeaient extrêmement mauvais. Personne n’a demandé sa démission.
Alors pourquoi, avec Emmanuel Macron, en vient-on à la demander ?
Parce que le pays est totalement bloqué du fait du président de la République. Il suffi t d’analyser la situation : la semaine dernière, Sébastien Lecornu annonce qu’il démissionne. Deux jours plus tard, on commence à expliquer que la seule manière d’assurer la stabilité politique, c’est de garder les mêmes au pouvoir. Nous assistons à la fin de la Macronie, à ses derniers soubresauts, à la survie d’une forme de monarchie administrative absolue. En réalité, c’est l’inspection des finances qui continue à tenir le pouvoir.
Selon un sondage Ifop pour Valeurs actuelles (lire notre article page 18), 82 % des électeurs Les Républicains se disent favorables à une coalition des droites incluant LR, le Rassemblement national et Reconquête !. Comment répondre à l’exaspération des électeurs de droite qui, très majoritairement, réclament l’union ?
Je suis moi-même un homme de droite, et je suis moi-même exaspéré. J’ai été l’un des seuls – peut-être le seul, avec François-Xavier Bellamy – à dire que le barrage républicain était un non-sens. Les vrais fascistes sont de l’autre côté, à l’extrême gauche, chez La France insoumise. Ce qui m’importe, c’est de mener la politique la plus positive possible pour le pays. Et je suis prêt à le faire avec quiconque, à condition que nous partagions des positions communes.
J’ai refusé de me fourvoyer avec les ex-LR passés chez Macron ; ce n’est pas pour me fourvoyer aujourd’hui avec un parti qui, comme le rappelait récemment encore Jean-Philippe Tanguy, propose de suspendre la réforme des retraites. D’ailleurs, quand Marine Le Pen est interrogée sur la nécessité de supprimer certaines agences ou directions d’État, elle répond que c’est « un truc de droite ».
Je ne peux pas partager les positions économiques du Rassemblement national, encore marquées par le collectivisme et l’étatisme. Toutefois, je constate qu’un débat interne s’y ouvre aujourd’hui. C’est intéressant et je pense que ce parti peut évoluer dans le bon sens.
Pourriez-vous aider le RN à évoluer sur le plan économique ?
Avec Nouvelle Énergie, nous essayons de gagner la bataille de nos idées. Elles sont aujourd’hui minoritaires sur le plan partisan. C’est pour cela que, dans la perspective de la présidentielle, j’appelle à une grande primaire ouverte de la droite. Parce que c’est le seul moyen de démasquer les faussaires, ceux qui ne font que du marketing politique. Le Rassemblement national ne viendra pas, parce qu’il est contre l’union des droites et parce qu’il est à 34 % dans les sondages.
Aussi, nous devons d’abord mettre sur la table entre cinq et dix propositions fortes, capables de rassembler toute la droite. D’abord, un référendum sur l’immigration : comment passer de 500 000 titres de séjour délivrés chaque année à 80 000. Ensuite, une réforme en profondeur de l’école, pour la libérer et en finir avec les idéologies qui sont en train de la perdre. Troisième axe : la réduction des dépenses publiques. Je propose un plan de 200 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques, qui permettra de restituer 120 milliards en pouvoir d’achat grâce à la baisse des cotisations.
C’est ainsi que l’on pourra cotiser moins pour gagner plus, soit environ 400 euros de revenus supplémentaires pour un salarié touchant 2 000 euros par mois. Enfin, une grande réforme de l’État : il faut le réorganiser de fond en comble. C’est essentiel.
Je vais donc formuler ces propositions et appeler tous ceux qui se reconnaissent dans cette vision, de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) à l’Union des droites pour la République (UDR), à se rassembler autour d’elles. Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible.
Comment analysez-vous la récente main tendue de Jordan Bardella, qui indique avoir « vocation à travailler » avec des « patriotes à droite » ?
Il y a de l’opportunisme, certainement. Mais Jordan Bardella semble contredire le discours fiscaliste de Marine Le Pen, Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu. Le RN doit lui aussi clarifier sa doctrine. On n’a pas pu me forcer à aller chez Macron et on ne me forcera pas davantage à rejoindre une coalition ambiguë sur la manière de relancer la France.
Le jour où le Rassemblement national dira : “Vous ne pesez pas grand-chose, mais vos idées sont intéressantes et nous voulons travailler ensemble”, peut-être qu’il y aura matière à discussion. Mais pour l’instant, nous sommes balayés d’un revers de main. Comme je ne cherche ni points retraite ni poste, je continue simplement et inlassablement à défendre mes convictions.
Êtes-vous sensible à la lettre d’Éric Ciotti qui invite LR à le rejoindre dans la démarche qu’il entreprend avec l’UDR ?
Éric Ciotti poursuit sa stratégie. Je n’ai aucune acrimonie personnelle vis-à-vis de lui. Ce que je constate, c’est qu’il a pu reprendre un certain nombre des items de Nouvelle Énergie, notamment sur la liberté économique, sans parvenir à les faire adopter par le RN, qui fixe clairement la ligne.
Si vous aviez Emmanuel Macron face à vous, qu’aimeriez-vous lui dire ?
Je lui dirais qu’il peut avoir son moment gaullien. Qu’il pourrait, dans l’intérêt supérieur de la France, annoncer qu’il démissionnera au printemps prochain, en avril ou en mai, afin de permettre la tenue d’une élection présidentielle quelques semaines après. C’est la seule voie pour sortir des tensions et de l’échec actuels.
Retrouvez cet entretien sur le site de Valeurs actuelles en cliquant ici.
Recevez les actualités
de Nouvelle Énergie et David Lisnard