« L’autorité républicaine n’est pas l’ennemie de la liberté : elle en est la condition »
Face au déclin français, David Lisnard propose une rupture claire : substituer à l’État-providence un État-performance, recentré sur ses missions régaliennes, la responsabilité individuelle et la liberté économique. Retrouvez le Grand entretien du Diplomate avec David Lisnard.
Publié en mars 2025 aux Éditions de l’Observatoire, Ainsi va la France, Manifeste libéral, propose un diagnostic sans fard du déclassement français et un agenda de réformes axé sur la liberté économique, la responsabilité et la décentralisation. Cette discussion intervient alors que David Lisnard, maire de Cannes, préside à la fois l’Association des maires de France (AMF) et le mouvement Nouvelle Énergie, et défend inlassablement l’idée d’un « État performance ».
Propos recueillis par Roland Lombardi
Le Diplomate : Pourquoi un « manifeste libéral » maintenant ? Quelle est la thèse centrale qui traverse l’ouvrage (problème, démonstration, propositions), et en quoi se distingue-t-elle des essais politiques déjà publiés ces dernières années sur le déclin français ?
David Lisnard : Parce que le moment l’exige. Ce livre est né d’une nécessité : celle de dire clairement que la France est entrée dans un cycle de déclassement rapide, visible, et trop accepté avec fatalisme. Ce que nous vivons n’est pas une simple crise passagère, mais une dégénérescence profonde du modèle social-étatiste, et d’un État-providence à la fois inefficace, infantilisant et ruineux.
Ce manifeste est une réponse politique à cette urgence.
C’est d’abord un constat. Celui du gâchis français ces dernières décennies, proportionnel à notre potentiel de prospérité, et désormais celui d’une France qui s’effondre dans de nombreux domaines vitaux – école, sécurité, justice, santé, industrie, natalité, culture, énergie.
Elle est championne du monde de la dépense publique, des prélèvements obligatoires, des normes absurdes et de la dette. Elle étouffe sous une bureaucratie qui empêche d’agir, une culture de l’irresponsabilité qui dévalorise l’effort et une déconnexion croissante entre une certaine caste au pouvoir et l’immense majorité des Français.
Ensuite, la démonstration s’appuie sur des situations concrètes vécues sur le terrain, comme maire, comme petit commerçant et entrepreneur, comme président de l’Association des maires de France. Ces différentes expériences me permettent de confronter chaque jour la réalité à l’abstraction administrative.
Enfin, les solutions : substituer l’Etat-performance à l’État-providence, c’est-à-dire reconstruire un État fort et efficace sur ses missions régaliennes, rendre leur autonomie aux collectivités, libérer la création de valeur, refonder l’école et notre système de santé, mener une politique nataliste ambitieuse, combattre le wokisme et l’islamisme, et retrouver une culture de la responsabilité.
Je n’ai pas voulu écrire un énième livre sur le déclassement français. Beaucoup l’ont fait et bien fait. Ce manifeste, est d’abord un outil pour tous ceux qui refusent de céder au fatalisme et veulent reconstruire un pays libre, juste et puissant. Il apporte des solutions concrètes puisées aux sources de la pensée libérale et du fameux carré magique « Liberté ; Responsabilité ; Propriété ; Dignité ».
Votre manifeste part d’un constat de “déclassement”. Si vous ne deviez retenir que trois leviers immédiats (12–18 mois) pour enrayer ce déclassement sans aggraver le déficit, lesquels seraient-ils et quels ordres de grandeur budgétaires et réglementaires y associez-vous ?
C’est la baisse des dépenses et du déficit qui va nous fournir des leviers de croissance et de progrès. Cela, couplé à une remise en ordre profonde organisationnelle de l’Etat et sécuritaire. Tout est lié.
Notre projet repose sur une conviction simple : la France peut redevenir performante en diminuant les prélèvements et le déficit, à condition d’assumer des réformes structurelles courageuses, immédiates et lisibles.
Nous avons un cap clair : ramener la dépense publique au moins dans la moyenne européenne. Cela suppose un plan d’économies de 200 à 300 milliards d’euros, dont 60 à 80 milliards dès la première année, en supprimant les gaspillages, en réorganisant les pouvoirs publics, en mettant en concurrence les administrations et en les dirigeant, en ciblant les dépenses improductives, en réservant les prestations sociales non contributives aux Français.
Mais réduire la dépense ne signifie pas différer l’action. Car le déclassement que je décris n’est pas seulement économique : il est d’abord intellectuel, moral et civique. C’est pourquoi je place l’éducation au premier rang des priorités au regard des résultats catastrophiques obtenus dans tous les classements internationaux.
L’école a pour mission de transmettre les savoirs, de former l’intelligence, de cultiver la raison critique. Elle n’a pas à engager les élèves dans des combats idéologiques, ni à se substituer à la famille, ni à refléter les injonctions du moment. Elle doit permettre à chaque enfant, quel que soit son milieu, d’accéder aux humanités, aux sciences, à la langue, à la culture et à la rigueur intellectuelle.
Depuis des décennies, l’institution scolaire a été affaiblie par un pédagogisme dominant, qui a disqualifié les savoirs au profit de méthodes floues, relativistes, déstructurantes. Ce choix idéologique et égalitariste a produit une école moins exigeante et plus inégalitaire. Le système a échoué parce qu’il s’est éloigné de ce qui fonde l’émancipation : la méritocratie par l’instruction.
Nous engagerons une transformation profonde fondée sur quatre principes : transmission, exigence, liberté, responsabilité.
Au-delà du nécessaire recentrage sur les savoirs fondamentaux – avec un certificat de fin de primaire pour valider les acquis et conditionner le passage en 6ème, nous supprimerons la sectorisation scolaire en milieu urbain, nous permettrons l’autonomie des établissements, nous établirons une élection rigoureuse à l’entrée dans le métier d’enseignant, nous mettrons fin à l’endoctrinement à l’école, par le retrait des programmes de tout contenu militant.
Ces mesures relèvent de la décision politique, du décret et de la circulaire. Nous voulons une école de la raison, du mérite, de la liberté éducative, et non un système bureaucratique soumis à la pensée dominante.
Le deuxième levier est la simplification radicale de l’action publique, fondée sur la clarté des responsabilités, la réduction des normes, et le réarmement des fonctions stratégiques de l’État.
L’organisation de l’action publique repose sur un modèle épuisé, centralisé, segmenté, opaque, coûteux. L’empilement des structures, la prolifération des normes, le morcellement des compétences, l’irresponsabilité administrative ont rendu l’État incapable d’agir efficacement. Le millefeuille administratif – directions, agences, opérateurs, autorités, inspections – paralyse la décision, alourdit les procédures et dilue les responsabilités.
Nous engagerons une réforme d’ensemble de l’organisation administrative fondée sur trois priorités.
D’abord, supprimer nombre d’agences, d’opérateurs et de structures redondantes, en commençant par les secteurs les plus bureaucratisés : logement, écologie, emploi, santé. Cette rationalisation reposera sur une évaluation systématique de leur utilité, de leur coût, et de leur impact.
Les missions utiles seront réintégrées dans les administrations centrales ou déconcentrées, les doublons supprimés. Ensuite, simplifier les procédures et alléger la norme, en mettant fin à la culture du contrôle préalable systématique.
Nous remplacerons les autorisations par des déclarations, les circulaires par des cadres clairs, les seuils d’instruction par des délais garantis.
Nous responsabiliserons les niveaux d’exécution, en renforçant le rôle des préfets comme pilotes opérationnels, et en transférant les compétences de proximité aux collectivités territoriales dans le respect du principe de subsidiarité.
Ce plan de simplification est une condition de survie pour l’efficacité de l’action publique et pour le redressement des comptes. L’enjeu est aussi démocratique : en sortant de l’irresponsabilité administrative et de l’obésité normative, nous voulons restaurer la lisibilité de l’action publique, c’est-à-dire sa légitimité.
Enfin, le troisième levier que nous activerons est le contrôle migratoire, dont la politique est aujourd’hui à la fois inefficace, subie et dévoyée.
La France ne maîtrise plus ni les flux migratoires, ni les conditions d’entrée, ni les critères d’accueil. Non pas par manque de lois, mais parce que notre système est verrouillé par une architecture juridique complexe, dominée par les jurisprudences, les conventions internationales et les injonctions européennes. Cette situation crée une impuissance organisée où le juge se substitue à la volonté nationale. Il est devenu impossible de fixer des critères clairs d’entrée sur le territoire, d’expulser effectivement les étrangers délinquants, ou de conditionner les aides sociales à une durée suffisante de résidence et d’activité.
C’est pourquoi nous soumettrons aux Français un référendum pour permettre un changement de cadre juridique. Nous voulons inscrire dans la Constitution les principes qui nous redonneront la capacité de décider de notre politique migratoire.
Cette réforme permettra de redéfinir la hiérarchie des normes, d’écarter l’automaticité de l’acquisition de la nationalité donc de remettre en cause le droit du sol, de supprimer le regroupement familial, de restreindre les conditions du droit d’asile à ses fondements essentiels.
Par ailleurs, nous refusons le relativisme qui nie l’identité française au nom d’un multiculturalisme de circonstance.
L’assimilation n’est pas une idée d’hier, c’est une exigence républicaine d’aujourd’hui pour éviter les fractures de demain. Elle suppose une langue commune, une adhésion sans ambiguïté à nos principes, à notre art de vivre, et un refus explicite des comportements communautaristes, qu’ils soient fondés sur la religion, l’origine ou les appartenances ethniques.
Ces trois leviers sont les décisifs pour redresser notre pays, car ils touchent à l’essentiel : la formation des esprits, la capacité d’agir de l’État, et la cohésion de la nation. En les activant, nous engagerons un mouvement de transformation profond, au service de la liberté et de l’efficacité.
Vous opposez “État-providence” et “État-performance”. Concrètement, à quoi ressemble cet État dans l’école, la santé et la sécurité au quotidien (indicateurs de résultats, gouvernance locale, responsabilité des gestionnaires) ? Quels mécanismes d’évaluation publique obligatoires généraliseriez-vous en priorité ?
L’État-providence est à bout de souffle. Son modèle reposait sur une croissance forte, une démographie dynamique, une immigration limitée et orientée vers le travail. Ces trois piliers ont disparu. Ce qui subsiste, c’est un système hypertrophié, inefficace et clientéliste, qui produit de la dette plus que des résultats. L’Etat-providence aujourd’hui appauvrit ceux qui travaillent et investissent, et subventionnent l’oisiveté. L’État-Performance que nous défendons se recentre sur ses missions régaliennes, assure les services publics essentiels, garantit la sécurité juridique, abandonne la prétention à tout encadrer, tout subventionner, tout piloter.
La règle sera que chacun doit faire sa vie et délègue ce qui relève de la justice et de la sécurité collective à l’État.
Un État-performance, c’est un État qui a des objectifs qualitatifs et quantitatifs, évalue ce qu’il fait, assume ses choix, publie ses résultats, se modernise et utilise tous les outils actuels de la robotique et de l’IA, supprime ce qui ne fonctionne pas, et où la légitimité de l’action publique repose sur la clarté des objectifs, la responsabilité individuelle des décideurs et des exécutants, l’obligation de rendre des comptes, et non sur la fuite en avant dépensière.
Concrètement, pour reprendre vos exemples, cela signifie dans l’école, une transformation complète du pilotage public. L’indicateur premier ne peut plus être le taux de dépense par élève, mais la progression réelle des acquis. Nous proposerons que chaque établissement publie annuellement un bilan pédagogique synthétique comprenant les résultats aux évaluations nationales (notamment en CM1 et 4e) et les progrès constatés par niveau. Le directeur d’établissement doit devenir un chef d’équipe à part entière, libre et responsable des recrutements (avec une autonomie élargie), de l’organisation, du climat scolaire et de l’articulation avec les collectivités.
Dans la santé, l’État-Performance repose sur deux principes : l’accès effectif aux soins pour chacun, et la responsabilisation des gestionnaires hospitaliers. Nous proposons de publier chaque année un rapport de performance hospitalière par établissement, fondé sur le délai moyen d’accès aux urgences, le taux de lits fermés, la part des dépenses non médicales dans le budget, le taux de satisfaction des patients et le taux de rotation des personnels. En parallèle, la tutelle des ARS, structures opaques et hors-sol, sera supprimée.
La formation médicale, qui doit rester très exigeante sur sa qualité, sera libérée pour permettre un plus grand nombre d’établissements universitaires, aux financements libres, sur tout le territoire.
En matière de sécurité, l’évaluation doit porter sur les résultats opérationnels. Nous proposons un indicateur synthétique de performance locale rendant publics, pour chaque circonscription, les taux d’élucidation, les temps moyens d’intervention, la présence effective des effectifs sur la voie publique, et le taux d’exécution des peines. Les polices municipales, dans les communes qui le souhaitent, verront leurs compétences renforcées dans un cadre expérimental sous contrôle judiciaire.
Ces évolutions sectorielles s’inscrivent dans une transformation plus profonde : le passage d’une administration de moyens à une culture du résultat. Cela suppose une rupture nette avec le réflexe bureaucratique. Le contrôle sera a posteriori, objectif, rigoureux. Il ne bloquera plus l’usage du plus grand nombre mais ciblera les abus des déviants. Ce changement de paradigme impliquera une révision du droit administratif, en particulier sur les mécanismes d’autorisation. Il faut passer d’un régime d’autorisations préalables à un régime de responsabilité individuelle.
Nous généraliserons l’évaluation annuelle obligatoire des politiques publiques. Chaque programme, chaque opérateur, chaque administration fera l’objet d’une note publique de performance, accessible et comparable, croisant trois dimensions : efficacité, coût et résultats tangibles.
La numérisation stratégique des services publics suivra un modèle clair : automatisation des fonctions support, interopérabilité des systèmes, recours à l’intelligence artificielle pour anticiper les besoins, ce qui permettra au passage de remettre de l’humain au contact du public. Le numérique doit libérer du temps et permettre d’avoir plus d’agents sur le terrain, non pas créer davantage de contraintes.
Enfin, la transparence sera la règle. Chaque hôpital, école, tribunal, collectivité devra publier ses résultats, ses dépenses, ses indicateurs-clés. Le citoyen a le droit de savoir, pour pouvoir juger.
Décentralisation et pouvoir local. À l’AMF, vous plaidez pour “laisser agir les communes”. Quelles compétences et quels flux financiers transféreriez-vous tout de suite au bloc communal/régional, et comment éviter l’effet “millefeuille” (doublons, normes) que vous dénoncez ?
La France étouffe sous le poids d’un État central qui prétend tout savoir, tout prévoir, tout contrôler, mais qui ne sait plus rien faire correctement. Nous voulons rompre avec ce centralisme inefficace, pour construire une République des responsabilités fondée sur une vraie subsidiarité ascendante.
Cela suppose une réforme structurelle articulée autour de trois piliers : clarification des compétences, autonomie fiscale, et responsabilité locale.
Nous proposons de créer des Provinces en lieu et place des départements et régions, dotées de compétences stratégiques (formation, infrastructures, développement économique) et d’une fiscalité propre.
Le bloc communal serait consolidé sur toutes les politiques de proximité : urbanisme, logement, sécurité du quotidien, environnement, petite enfance, mobilités, services sociaux de premier niveau.
Cette réforme mettra fin aux doublons multiples et aux responsabilités diluées.
Le levier fiscal est déterminant. Nous restaurerons une véritable autonomie fiscale locale, fondée sur trois principes clairs :
- Réintroduction d’un impôt économique local dynamique, notamment via l’attribution directe d’une part de l’impôt sur les sociétés aux communes et aux provinces, pour recréer un lien entre développement économique local et financement public ;
- Les collectivités doivent pouvoir moduler certains impôts ou contributions, au lieu de subir des dotations figées ou des impôts décidés à Paris sans contrepartie locale ;
- Fin du système de dotations opaques et centralisées : la dotation globale de fonctionnement (DGF) doit être remplacée par des ressources propres prévisibles, pour que les collectivités cessent d’être des guichets dépendants du bon vouloir de Bercy.
Nous voulons également donner aux communes un véritable pouvoir réglementaire local, pour adapter les normes nationales aux réalités du terrain. Les maires ne peuvent plus être entravés par des règles irréalistes décidées à Paris, comme la loi SRU ou le ZAN institué par la loi Climat.
Pour lutter contre le millefeuille administratif, nous appliquerons une règle d’airain : une compétence, un décideur, un financeur. Les agences administratives redondantes seront supprimées. L’organisation territoriale de l’État sera recentrée autour du préfet, unique interlocuteur des élus. Les collectivités publieront chaque année leurs résultats, dépenses, et indicateurs clés.
Enfin, nous mettrons fin à la contractualisation léonine imposée par l’État central. La libre administration n’est pas un privilège, c’est un principe constitutionnel. Il doit être restauré pleinement.
Compétitivité et réindustrialisation. Votre livre évoque une reconquête industrielle (automobile, spatial, IA). Quelles mesures ciblées—fiscales, sociales, énergétiques—permettraient de relocaliser des chaînes de valeur sans subventionner des “canards boiteux” ? Quels critères d’« exit » imposer aux aides publiques ?
La réindustrialisation ne se fera pas à coups de chèques. La priorité n’est pas d’inventer de nouveaux dispositifs, mais de libérer les forces productives aujourd’hui paralysées par un cadre hostile à l’investissement, à la disponibilité du foncier à l’embauche et à la prise de risque.
Le premier levier est fiscal. La France reste l’un des pays qui taxe le plus la production, avec 3,7 % du PIB contre 0,8 % en Allemagne. Il faut supprimer immédiatement la C3S, impôt anachronique sur le chiffre d’affaires, et poursuivre la baisse des impôts de production dans une trajectoire claire et irréversible.
La fiscalité sur les transmissions d’entreprise doit être allégée pour éviter les ruptures de capital productif, en particulier dans les PME industrielles et les ETI. Les différentes aides publiques aux entreprises ne peuvent pas compenser une fiscalité globale étouffante. Plutôt que de subventionner en aval, mieux vaut desserrer l’étau en amont. Donc, le principe sera de supprimer les aides aux entreprises et l’excès de prélèvements qui pèsent sur elles.
Cela enlèvera de la bureaucratie et donc des pertes financières, de la complexité, de l’opacité, et donc nous permettra de lutter contre le capitalisme de connivence qui accompagne l’interventionnisme étatique.
Le deuxième levier est social. Il faut réécrire le droit du travail pour simplifier les procédures, sécuriser les embauches et donner plus de marge aux accords d’entreprise. Une plus grande liberté contractuelle et la déjudiciarisation de certains contentieux du travail sont des conditions indispensables pour redéployer une base industrielle solide.
Le troisième levier est énergétique. Le nucléaire doit redevenir notre pilier stratégique : prolongation du parc existant, construction de nouveaux EPR, développement des petits réacteurs modulaires, soutien à la recherche sur la fusion. Le prix de l’électricité pour les industriels doit être sécurisé par un mécanisme de contrat long terme fondé sur le coût réel du nucléaire, en rupture avec les absurdités du marché européen.
Le quatrième levier est réglementaire. L’implantation d’usines ou de centres de production ne peut plus prendre des années comme aujourd’hui. Il faut créer un guichet local d’autorisation industrielle avec un délai maximal de six mois. La règle doit être : un porteur de projet, un interlocuteur, un calendrier. Les normes environnementales doivent être évaluées dans leur faisabilité, avec des objectifs maintenus mais des procédures simplifiées. Il faut rompre avec la naïveté réglementaire qui pénalise nos industries et favoriser des coalitions volontaires sur les secteurs critiques : IA, quantique, spatial, défense, batteries, semi-conducteurs.
Le cinquième levier est financier. Il faut orienter notre épargne vers l’économie productive. Aujourd’hui, elle reste trop peu investie dans l’industrie. Cela passe par l’introduction d’un pilier de retraite obligatoire par capitalisation, qui permettra aux Français de constituer leur propre patrimoine retraite. Ce système, fondé sur la responsabilité individuelle, permettra de mobiliser cette épargne vers les PME et ETI industrielles. L’objectif est de réduire la dépendance au financement étranger et de reconstituer un actionnariat stable, sans créer de nouveaux mécanismes publics de redistribution ou de véhicules étatiques bureaucratiques.
Enfin, cette stratégie industrielle ne réussira que si elle est adossée à une ambition éducative et technologique. Nous proposons de renforcer les partenariats entre entreprises et établissements d’enseignement, de créer des chaires d’entreprises dans les secteurs critiques (IA, transition énergétique, cybersécurité, etc.) et de réformer le compte personnel de formation, aujourd’hui trop complexe et peu lisible.
Si l’État intervient, ce doit être de façon exceptionnelle, temporaire et conditionnée. Toute aide publique doit être assortie de critères d’« exit » clairs : durée limitée, objectifs contractuels mesurables, remboursement en cas d’échec. L’enjeu doit être de faciliter des transitions ou des investissements stratégiques à fort effet de levier.
La France n’a pas besoin d’un énième plan industriel. Elle a besoin d’un environnement cohérent, stable et libéré des carcans fiscaux, sociaux et bureaucratiques. L’industrie ne demande pas des subventions : elle réclame de la liberté, de la lisibilité et de la compétitivité.
Moment politique. Dans une France contrainte par la trajectoire des comptes publics et la dispersion des forces parlementaires, quelle coalition d’idées jugez-vous réaliste pour faire adopter un paquet de réformes libérales (marché du travail, dépense, fiscalité locale) d’ici 2026 ? Et quelles concessions êtes-vous prêt à consentir pour bâtir une majorité d’action ?
Le pays a déjà beaucoup trop souffert des concessions et autres compromis.
Dans un pays marqué à la fois par une trajectoire budgétaire intenable et par un émiettement parlementaire chronique, la seule coalition d’idées réaliste est celle qui assume une ligne de rupture libérale, structurée autour de trois priorités : libérer le travail, assainir les finances publiques et restaurer l’autorité de l’État dans ses fonctions régaliennes.
Il ne s’agit pas de reconstituer artificiellement une majorité parlementaire introuvable, mais de créer une dynamique politique fondée sur la clarté des idées et la force du projet. Cette dynamique ne peut émerger que d’un mandat présidentiel clair, obtenu au suffrage universel sur la base d’un programme cohérent. C’est la condition indispensable pour surmonter la crise politique et institutionnelle actuelle.
Une telle majorité suppose de fédérer tous ceux qui refusent la fuite en avant budgétaire, qui ne se résignent pas à l’impuissance publique, et qui sont prêts à porter un programme d’efficacité régalienne, de liberté économique et de responsabilité locale. Les convergences existent : elles doivent être identifiées, assumées, puis traduites en propositions législatives concrètes.
Je suis prêt à discuter des modalités si elles permettent de construire cette majorité d’action. En revanche, je ne transigerai pas sur le fond. Aucune concession ne sera possible sur les principes : pas de relèvement de la fiscalité, pas de nouvelles dépenses sans économies équivalentes, pas de compromission avec les corporatismes ou les logiques de rente.
Culture civique et ordre républicain. Vous insistez sur la restauration de l’autorité et de la confiance (école, justice, police). Quelles réformes juridiques et administratives immédiates proposerez-vous pour rétablir l’effectivité des sanctions et la protection des agents publics, sans sacrifier les libertés ?
Nous vivons une crise profonde de l’autorité publique. Elle mine la confiance civique, désarme les institutions, et rend impossible toute cohésion nationale. Cette crise ne résulte pas d’un vide normatif, mais d’un excès de règles et d’un effondrement de l’exécution.
Rétablir l’autorité ne signifie pas multiplier les lois, mais au contraire d’en supprimer et de faire respecter celles qui sont nécessaires. Cela suppose de rendre les sanctions certaines, rapides et visibles.
Sur le plan général, la première réforme doit donc porter sur l’exécution des peines. Toute peine prononcée doit être réellement effectuée, une fois purgées bien sûr les procédures contradictoires et les recours qui font l’état de droit.
Cela exige la suppression des réductions automatiques de peine (crédits de réduction de peine forfaitaires), l’exécution provisoire obligatoire pour toutes les infractions graves qui peuvent être réitérées et mettent en péril l’intégrité des personnes et l’interdiction de tout aménagement de peine pour les infractions commises en état de récidive, ou portant atteinte à l’intégrité physique.
Pour cela, il faut augmenter la capacité carcérale d’au moins 30 000 places, dont une part dédiée et adaptée aux peines courtes comme aux primo délinquants.
L’effectivité des peines exige aussi une justice accélérée et priorisée. Une présomption de comparution immédiate doit s’appliquer à toutes les infractions commises en flagrance, en particulier lorsqu’elles visent des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions — enseignants, policiers, personnels soignants, de secours et de transport.
Dans les cas les plus graves, une peine ferme doit pouvoir être prononcée et mise à exécution sous 72 heures, sans délai ni aménagement.
Pour garantir cette rapidité et cette cohérence, il convient de créer des pôles spécialisés au sein de chaque tribunal judiciaire, spécifiquement affectés au traitement des infractions contre les agents publics dont la protection doit être un axe structurant de la politique pénale.
L’autorité implique également de rétablir le lien entre droits sociaux et devoirs fondamentaux. Je propose en conséquence la suspension de l’accès aux prestations sociales non contributives en cas de condamnation pénale pour violences volontaires ou délits répétés, l’expulsion administrative sur décision motivée du maire des logements sociaux en cas de trouble grave à l’ordre public ou condamnation pénale d’un occupant, l’expulsion systématique des étrangers condamnés pour délits ou crimes. Le droit de séjour implique le respect de la loi.
L’autorité repose aussi sur l’éducation civique et la prévention. L’école doit redevenir un lieu d’apprentissage de la loi, de l’histoire nationale, de la laïcité, des principes républicains.
Enfin, il faut rompre avec trois logiques délétères : l’impunité de fait, la judiciarisation sans exécution, et la compassion systématique envers les coupables. La France doit être respectée et pour cela la République ne peut plus reculer. Elle doit assumer la force juste, celle qui protège les gens honnêtes, et faire respecter la loi, sans faiblesse ni complaisance.
L’autorité républicaine n’est pas l’ennemie de la liberté : elle en est la condition.
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