Pas de pourboire pour l’Etat
Avez-vous envie de laisser un pourboire à l’Etat plutôt qu’au pompiste ou au serveur ? Moi, non. C’est pourtant ce qui est en gestation à Bercy. Retrouvez la chronique de David Lisnard pour l’Opinion.

Incapable de se réformer pour faire des économies, l’Etat continue de faire littéralement les poches des Français. Toujours aussi créatif quand il s’agit de remplir les caisses qu’il vide aussitôt, il pioche toujours plus profond, là où c’est facile.
Cynisme. A partir de janvier 2026, il s’apprête à franchir un nouveau seuil de cynisme en taxant les pourboires. Oui, les pourboires. Ces quelques euros glissés pour saluer un bon service. Cette gratification modeste et humaine, née de la reconnaissance, non de la contrainte. Ce complément de revenu bienvenu pour ceux qui travaillent dur, souvent pour des salaires modestes, dans des métiers exigeants et mal considérés.
Il faut n’avoir jamais passé une soirée de service en restauration pour envisager une telle mesure. Il faut n’avoir jamais tenu un plateau, assuré des livraisons ou des heures de route, affronté les heures debout, le stress, les clients difficiles, le rythme éreintant d’un double service pour imaginer ponctionner ce qui relève d’un simple geste de gratitude.
Mais dans les bureaux des technocrates, où l’on s’échange plus facilement des tableaux Excel que des poignées de main, le réel n’existe plus. Pour ces gens-là, tout est flux, tout est traçable, tout est taxable. A leurs yeux, un pourboire n’est pas un merci, c’est une niche fiscale.
Le gouvernement prévoit ainsi de ne pas reconduire, à partir de 2026, l’exonération de charges et d’impôts sur les pourboires instaurée en 2022. Une mesure pourtant saluée par l’ensemble du secteur, et utile pour redonner de l’attractivité à des métiers qui peinent à recruter. Les chiffres sont clairs : 83 % des salariés considèrent le pourboire comme un avantage incontournable. Ils sont 41 % à envisager de quitter leur emploi si ce revenu est taxé. Faut-il vraiment aggraver la pénurie de main-d’œuvre dans la restauration pour quelques miettes fiscales ?
Car cette idée est non seulement injuste, mais économiquement absurde. Son rendement budgétaire sera marginal, voire négatif. Ce ne sont pas grâce aux pièces laissées par les clients qu’on comblera un déficit public annuel de 170 milliards d’euros. Ce n’est pas en prélevant quelques euros sur un sourire qu’on réformera l’Etat. Le coût administratif de cette collecte dépassera probablement son rendement.
Spirale infernale. Voilà la spirale infernale de l’inefficacité coûteuse qui pénalise le mérite. Plus l’État est obèse, plus il a faim. Plus il prend de l’argent, plus il est clochardisé. Plus il échoue, plus il ponctionne. Plus il dysfonctionne, plus il surveille ceux qui tiennent encore par le travail.
Il faut une sacrée déconnexion sociale pour penser que quelques euros de pourboire sont un luxe. Mais surtout, il faut manquer singulièrement de courage politique pour aller chercher là ce que l’on n’ose pas récupérer ailleurs.
Ce système est devenu fou. Il confond la fraude et la reconnaissance, le privilège et la récompense, le travail et la rente, la spoliation et l’impôt. Il surveille le serveur plutôt que le fraudeur. Il prétend taxer la générosité quand il faudrait contrôler la corruption, coûteuse et toxique, conséquence de la confusion que génère l’Etat dans l’économie via sa caste nourrie au capitalisme de connivence, celui des circuits opaques de la dépense publique, des copinages bien placés, des passe-droits protégés. Pendant qu’on traque les euros du serveur, on ferme les yeux sur les millions qui s’évaporent dans les méandres de l’administration.
Inefficacité. Ce projet dit tout d’un système usé, rongé par l’inefficacité, incapable de se réformer mais toujours capable de punir ceux qui travaillent dans l’économie réelle, de l’effort et du risque. Cette mesure consacre l’échec d’une vision purement redistributive de la société : au lieu de créer de la richesse, on organise méthodiquement sa confiscation.
On ne demande pas au gouvernement de féliciter les serveurs, chauffeurs, pompistes, coiffeurs ou autres livreurs. On lui demande simplement de ne pas les pénaliser. De ne pas humilier des professionnels par une mesure mesquine et contre-productive.
Liberté. Le pourboire, c’est le dernier espace de liberté dans la relation de service. Un client satisfait gratifie directement celui qui l’a bien servi. Sans intermédiaire. Sans bureaucratie. Sans Etat. C’est précisément ce qui dérange. Cette zone libre de générosité insupportable au Léviathan fiscal. Cette transaction humaine qui échappe à la machine administrative.
Refusons cet Etat soupçonneux et tatillon. Un Etat qui ne croit plus en l’initiative, qui traque ce qui échappe à ses radars, qui taxe ce qu’il ne comprend pas. Un Etat qui étouffe les élans simples – l’effort, le mérite, la générosité – sous prétexte d’équité.
Faudra-t-il demain déclarer les quelques pièces données à une personne nécessiteuse ? Jusqu’où ira cette folie bureaucratique ?
A force de tout vouloir encadrer, cet Etat détruit ce qu’aucune loi ne peut décréter : les ressorts moraux qui tiennent une nation debout – la décence, la reconnaissance, la solidarité librement consentie. Ce ne sont pas des variables fiscales. Ce sont les conditions élémentaires du lien social qu’il nous appartient de reconstruire par le sens de la justice et de la mesure.
Réhabilitons l’effort, allégeons les charges, retrouvons du bon sens fiscal : tout commence par le respect de ceux qui, chaque jour, accomplissent leur part, honnêtement, avec dignité.
Tout comme on ne rétablira pas les comptes publics en faisant les poches des Français, on ne redressera pas le pays en surveillant les pourboires pendant qu’on ferme les yeux sur la fraude et la corruption. On le redressera en ayant le courage de réformer l’Etat, de libérer le travail, de valoriser le mérite. En rendant à chacun ce qui lui appartient : au serveur son pourboire, au citoyen sa liberté, à l’Etat ses vraies missions. Ainsi va la France…
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de Nouvelle Énergie et David Lisnard